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La résistance des lucioles

Article publié dans le n°1212 (01 avril 2019) de Quinzaines

Dans la rencontre clinique, les instants de grâce, de poésie, d’humour, sont autant de petites lumières et de respirations dans une pratique du soin psychique souvent malmenée. Nous ...

Dans la rencontre clinique, les instants de grâce, de poésie, d’humour, sont autant de petites lumières et de respirations dans une pratique du soin psychique souvent malmenée. Nous avons proposé à des cliniciens de partager le vivant de ces instants, leurs lucioles.

C’est celui qui le dit qui y est 

Préadolescent menu, le corps sec et tendu, Louis est en guerre contre ses propres monstres, bien décidé à ne pas faiblir ni se laisser attendrir. Il lui donne du fil à retordre, à la psy, tant il se méfie et l’accuse, elle, de ce qui le ronge, lui. Un garçon rageur, auquel elle s’attache, la dame. Celle qui « prend les secrets des enfants pour devenir plus belle », dit-il fâché.

Il y a entre eux deux comme un deal : la colère contre les peurs. Un jour, furieux, il décide de ne plus rien lui confier : « Depuis quand vous avez cette névrose d’inventer des problèmes aux enfants ? Vous parlez de vos problèmes et vous dites que c’est les miens. Pour vous sentir pas effrayée vous remettez toutes vos peurs sur moi », explique-t-il, parodiant excellemment Freud dans sa définition de la projection.

Il poursuit : « Vous êtes traumatisée par mes dessins parce que vous avez eu un traumatisme dans votre enfance. Vous devez plonger dans la mort pour voir votre vie défiler. »

« Tu ferais un bon psy », répond-elle, amusée, tout en se réjouissant secrètement de cette délicieuse auto-interprétation. Elle se contente de souligner à quel point les récits d’expériences de mort imminente sont troublants.

Elle ne croyait pas si bien dire.

Quelque temps après, elle rédige un petit mot « à l’attention des parents de Louis » pour les prévenir d’une absence prochaine exceptionnelle. Le garçon se saisit du courrier et écrit dessus quelque chose qu’il cache soigneusement. La psy demande à voir, en vain, et n’insiste plus en remarquant le visage fermé et honteux du garçon qui froisse nerveusement l’enveloppe. Elle se contente de réécrire un autre mot, disant à Louis qu’elle prendrait connaissance du premier papier après leur séance. Ce qu’elle fait.

« Madame Corcos est décédée, elle ne pourra plus venir », avait inscrit Louis sur l’enveloppe. La psy sursaute. Maintenant, c’est en elle que se mêlent angoisse, rire et fureur.

Marilyn Corcos

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