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Le Septembre de Gerhard Richter

Septembre, c’est le titre d’un tableau peint en 2005 par Gerhard Richter, soit 4 ans après le 11 septembre 2001. Un texte en anglais accompagnait en 2010 l’ouvrage de Robert Storr. Le XXe anniversaire de cette « plaie ouverte au flanc de l’Amérique » donne lieu à la publication de l’analyse de Storr où se joignent l’acuité critique du commentateur de Richter et l’empathie avec un sujet défiant a priori l’analyse.
Robert Storr
Septembre. Une peinture d'histoire de Gerhard Richter
Septembre, c’est le titre d’un tableau peint en 2005 par Gerhard Richter, soit 4 ans après le 11 septembre 2001. Un texte en anglais accompagnait en 2010 l’ouvrage de Robert Storr. Le XXe anniversaire de cette « plaie ouverte au flanc de l’Amérique » donne lieu à la publication de l’analyse de Storr où se joignent l’acuité critique du commentateur de Richter et l’empathie avec un sujet défiant a priori l’analyse.

À l’unisson du texte, en pleine page, ou dans les marges, un choix de photos bouleversant – la couleur des tours en flammes, mais aussi le noir et blanc de la bande à Baader, dont Gerhard Richter, peintre de notre temps, fit son sujet, développé en 15 tableaux.

Robert Storr, doyen de la Yale University School of Art, rassemble ses souvenirs de témoin, et surtout, trace l’itinéraire artistique et intellectuel du célèbre peintre. En 2002 il écrivait dans l’introduction à la grande rétrospective de Gerhard Richter au Moma : « Un peintre moins conceptuel stricto sensu que philosophique dans les grandes lignes, un penseur d’avant-garde, mais un praticien souvent traditionnel, un des artistes majeurs de la seconde moitié du XXe siècle et un explorateur en première ligne du XXe siècle, Richter est un poète fou d’images, un poète de la vivacité et de la retenue, du doute et de l’audace. » Un bon éclairage à projeter sur Septembre.

Au temps des discussions sur l’idéologie qui animrait le groupe Baader-Meinhof, Richter répond par une série de peintures, et par des propos peu éloignés de ceux de Suzan Sontag, alors vilipendée. Elle accusait d’aveuglement sur les bombardements américains en Irak, une cécité organisée par le pouvoir et la télévision. On lui reproche sa clairvoyance, des propos tels que celui-ci : « En matière de courage (vertu moralement neutre), quoi qu’on puisse dire par ailleurs des auteurs du massacre du mardi dernier, ce ne furent pas des lâches. »

Gerhard Richter, peintre, ne pouvait pas davantage mettre en rapport, en différend, ou en accord, les droits de l’art et ceux de la vie, aller jusqu’à l’esthétisation de la violence, celle prônée par Stockhausen, musicien d’avant-garde : « Ce qui est arrivé là, c’est, bien entendu, la plus grande œuvre d’art jamais créée. Le fait que les esprits aient réalisé en un seul acte quelque chose dont ne pourrions même pas rêver dans le domaine de la musique, comme si les musiciens travaillaient leur instrument pendant 10 ans avec un acharnement insensé, fanatique, pour un seul et unique concert, puis mouraient. »

Septembre, l’unique tableau de Richter sur ce qui est arrivé le mardi 11 septembre, Robert Storr contribue à le faire rentrer dans notre histoire lui aussi avec audace et retenue.

Georges Raillard