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Remedios

Remedios, peintre mexicaine (1908-1963). C’est ainsi que l’on voit abréger la vie et l’œuvre d’une artiste surréaliste singulière ; Remedios est le prénom sous lequel s’est fait connaître Remedios Varo, espagnole, formée aux Beaux-Arts de Madrid, conduite par son père au Prado – Brueghel, Bosch, Vélasquez… Elle fréquente Buñuel, Dalí, Lorca… Après un séjour en France, elle revient en Espagne à Barcelone avant d’émigrer au Mexique, où elle se liera avec Leonora Carrington, Frida Kahlo, Jacqueline Lamba.

 

REMEDIOS VARO

Editions Seven Doc, 10 rue Henri-Bergson, 38 100 Grenoble

23 € le coffret plus 6,50 € de frais de port

Remedios, peintre mexicaine (1908-1963). C’est ainsi que l’on voit abréger la vie et l’œuvre d’une artiste surréaliste singulière ; Remedios est le prénom sous lequel s’est fait connaître Remedios Varo, espagnole, formée aux Beaux-Arts de Madrid, conduite par son père au Prado – Brueghel, Bosch, Vélasquez… Elle fréquente Buñuel, Dalí, Lorca… Après un séjour en France, elle revient en Espagne à Barcelone avant d’émigrer au Mexique, où elle se liera avec Leonora Carrington, Frida Kahlo, Jacqueline Lamba.

Son imagination, ses dons, sa soif de connaître gouvernent sa vie. Autant de rencontres : Dominguez, puis, la relation, durable, passionnée, avec Benjamin Péret. Au moment de la guerre d’Espagne, Remedios et Péret s’installent à Paris. Elle rencontre Breton qui lui ouvre le Cahier G.L.M : une œuvre d’elle y prend place, entre Masson et Max Ernst. En 1937, dans Minotaure, la prestigieuse revue d’Albert Skira, la reproduction d’une œuvre de Remedios : Le Désir, à côté des phares des surréalistes : Brauner, Cornell, Dalí, Dominguez, Magritte, Miró, Tanguy. Et des textes mémorables : Breton désigne ses Têtes de rage. Pour Benjamin Péret : « La nature dévore le progrès et le dépasse. » Un texte orné de deux photographies où la nature déploie sa vivacité. On peut lire ici Péret avec des souvenirs d’images que peindra Remedios. Péret écrit : « La machine s’arrêtera pour une étreinte qu’elle voudrait passagère, mais qui se prolongera à l’infini, selon le désir perpétuellement renouvelé de la séductrice. »

L’herbe, les branches, foisonnent chez Remedios. Une table. En sort du végétal. La nature gagne. À la table est appuyé un personnage. Répétée dans plus d’une scène montée par Remedios, disons qu’elle est la Séductrice. Deux yeux nous fixent, nous vrillent, nous médusent : la chevelure, blonde est partagée en deux moitiés jumelles. Derrière elle, tirant une langue qui vient frôler son cou, une tête émergeant d’une forme, suggérant, ici et ailleurs, un sexe féminin. Le titre de l’œuvre, Présence inquiétante.

Corps, tissus, froissements, fissures, mélange des genres, des sexes – le visible, le vécu, le senti, le rêvé échangent leurs présences. Un dessin de 1956 donne à voir la Rue des présences occultes. Notre langage bâti sur un monde en trois dimensions achoppe devant la figure de telles présences. La figure prend le logos – langage et raison des choses – à contre-pied, à la renverse, à rebrousse-poil. La voie (la calle) de Remedios fait apparaître de tout autres continents, de tout autres personnages. Comme chez Goya, le sommeil de la raison enfante des monstres. Un tableau en 1958 est titré Création du monde.

Et c’est, en 1960, Ascension Al Monte Analogo. C’est une allusion au Mont Analogue, récit véridique que René Daumal laissa inachevé à sa mort à trente-six ans. En 1928, à vingt ans, il avait, avec Roger Gilbert-Lecomte, fondé la revue Le Grand Jeu. Par hasard, ce titre avait été choisi, à l’insu des uns et des autres, à la fois pour la revue et pour un livre de Benjamin Péret.

Est-ce pour cela que Remedios a été attiré par Le Mont Analogue quand Gallimard le publia en 1952 ? Quoi qu’il en soit, elle pouvait découvrir dans Le Grand Jeu des vues de Daumal proches des siennes : « Les mouettes et les mouchoirs claquaient dans l’air et cassaient du bleu dans les vitres, des steamers de cristal s’enfuyaient par-delà les nuages ».

Le personnage ordonnateur de L’Ascension du Mont Analogue est désigné, se désigne, sous le nom de Sogol, anagramme bien élémentaire, souligne-t-il lui-même. Le récit est géographique, physique, astronomique, biblique, etc. Parcours des analogies, à la recherche de l’Analogie Suprême. On peut recourir à plus savant : « Vous savez qu’un corps quelconque exerce en fait une action répulsive de ce genre sur les rayons lumineux qui passent près de lui. » Dans L’Ascension du Mont Analogue de Remedios, ne s’imposent pas les calculs de la science, mais un personnage androgyne, prenant un appui solide sur une eau fangeuse, dans une ouverture buissonneuse au bout de laquelle apparaît la Tour de Babel de Brueghel : Logos et Sogol.

Un livre et un DVD de plus d’une heure permettent de connaître Remedios. Au Japon, il y a eu une rétrospective de cet œuvre mais « comme d’habitude la France est à la traîne », constate Aude Breton. Grâce à elle, Remedios peut ne plus être une « inconnue ».

Rappelons qu’elle et sa fille Oonaa ont sous le titre « Un Œil ouvert sur l’univers surréaliste » publié des coffrets – textes et DVD – sur, notamment, Breton, Jacqueline Lamba, Desnos, Duchamp, Ellouët, Hérold, Lam…

À la mort de Remedios, Breton écrit : « Remedios, la féminité même, ici en hiéroglyphe le jeu et le feu dans l’œil de l’oiseau. »

Georges Raillard