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Antonello de Messine

Un fort volume qui s’impose par la qualité et la nouveauté des reproductions. Celle-ci est due à la macrophotographie. Elle nous révèle souvent la texture de la matière picturale, les mouvements du pinceau et de la main qui la rende vive. Quant au texte, il constitue la somme de tout ce que l’on sait sur le peintre sicilien du Quattrocento.
Mauro Lucco
Antonello de Messine
(Hazan)
Un fort volume qui s’impose par la qualité et la nouveauté des reproductions. Celle-ci est due à la macrophotographie. Elle nous révèle souvent la texture de la matière picturale, les mouvements du pinceau et de la main qui la rende vive. Quant au texte, il constitue la somme de tout ce que l’on sait sur le peintre sicilien du Quattrocento.

On ne sait pas exactement quand il est né. De la date de sa mort, 1478, on remonte autour de 1430. Artiste voyageur, de la Sicile natale à Venise, en Catalogne, en Provence… il est à la fois une figure des échanges méditerranéens et le relais entre l’art italien et l’art des Flandres. À Jan Van Eyck il doit l’usage de la peinture à l’huile. On trouve aussi dans Petrus Christus l’origine des portraits au regard célèbre d’Antonello.

Cependant, au sujet de cette figure majeure du Quattrocento, des lacunes demeurent. L’auteur de cette monographie retient un catalogue de 38 œuvres. On ne sait combien ont disparu dans le tremblement de terre qui en 1908 a ruiné Messine. La ville natale d’Antonello est passée en quelques minutes de 120 000 habitants à 20 000. Des années plus tard, on trouvera encore des cadavres dans les eaux de l’océan Indien.

Sur le corpus de l’œuvre les regards se sont multipliés, suivant l’évolution des théories de l’art. Un point de convergence maintenant acquis : une œuvre où les chefs-d’œuvre abondent.

De Saint Jérome dans son cabinet de travail l’inventaire iconographique est ouvert : symbole du savoir/amour de la nature, rendu précis du moindre détail/souffle monumental caractéristique de la peinture italienne du Quattrocento. André Chastel était, lui, sensible au « perspectiviste ».

Le Saint Sébastien de Dresde offre le plus riche panneau d’interprétations suivant l’attention donnée à tel ou tel « détail ». La colonne couchée à droite, souvent négligée, sera privilégiée au point de traduire toute la représentation en figures mathématiques désignées par le cylindre.

On trouvera réunies dans cet Antonello de Messine dix reproductions de saint Sébastien, la figure entière et neuf « détails » : « Si l’on va au-delà du registre de sa présentation iconique, on est stupéfait par la quantité de détails, la fantaisie narrative déployée dans les seconds plans. » Cependant l’image retenue ici, après la figure du corps entier, est celle du nombril du Saint. Cet ombilic est au centre de l’analyse qu’en fit Daniel Arasse dans Le Détail, pour une histoire rapprochée de la peinture (QL n° 611 du 1er novembre 1992). L’historien de l’art au regard aigu faisait observer que le nombril du Saint était légèrement déporté et il en déduisait une lecture neuve du tableau : « le détail du nombril déplacé fonctionne comme l’emblème de la disposition d’ensemble de la représentation (…). Vue de près l’irrégularité surprit dans sa configuration secrète, propre, intime. La tache se dévoile pour ce qu’elle est, non pas peinte comme un nombril, mais comme un œil, qui, du corps du Saint, fixe le spectateur, clairement identifiable jusque dans le léger accent lumineux qui en éclaire la pupille. »

De cette analyse, l’illustration (absente de l’ouvrage de Daniel Arasse) est donnée ici dans une des macrophotographies de ce riche Antonello de Messine.

 

EXPOSITION

FRA ANGELICO ET LES MAÎTRES

DE LA LUMIÈRE

Musée Jacquemart-André

158, bd Haussmann, 75008 Paris

jusqu’au 16 janvier 2012

Fra Angelico et les Maîtres de la lumière, ce titre ne semble rendre compte que d’un aspect de l’œuvre du peintre toscan.

Georges Didi-Huberman avait bâti un essai neuf à partir « de deux ou trois choses déconcertantes » découvertes par lui dans un corridor du couvent de San Marco à Florence.

Il s’agissait de taches multicolores qui semblaient étrangères à toute notion classique du sujet. Nous trouvons de ces taches dans certaines œuvres réunies dans la belle exposition du musée Jacquemart-André, mais bien d’autres choses encore.

Avant même le recours à la perspective, il utilise des éléments architecturaux pour bâtir le tableau.

L’usage de la colonne fournit souvent un axe de symétrie. Deux ou plusieurs scènes s’opposent de chaque côté de cet axe.

Ainsi Fra Angelico réussit à donner forme à un problème spirituel ou mental qui est souvent le dialogue de la division et du rassemblement.

Un édifice peut jouer le même rôle.

C’est le cas, entre autres, de deux panneaux de l’exposition Stigmates de saint François et martyre de saint Pierre Martyr et Naissance et vocation de saint Nicolas, aumône aux trois jeunes filles pauvres.

Dans ces deux peintures, le centre est occupé par une maison à la façade en biais, assurant le passage d’une scène à l’autre. Ce rôle d’axe central est souligné dans les deux cas par une porte noire et un oculus.

Dans le tableau de saint François et de saint Pierre, les deux scènes mettent l’accent sur l’opposition de deux sacrifices. Mais un élément à peine discernable, une planche, forme passerelle entre les deux scènes et suggère la possibilité de réunion de l’église.

Si une porte noire affirme son rôle constructif dans un tableau, il peut arriver dans d’autres tableaux, comme dans la construction d’un des compartiments de l’Armoire des ex-voto, présentée à l’exposition où en dessous d’une Tribune, riche en personnages auréolés, le mur immatériel, traité en taches, est percé d’une porte close, dont le jaune constitue la figure centrale de la composition.

La lumière de la peinture sans origine ni signification lisible que la matière même de la peinture.

Georges Raillard et Margaret Rismondo

Georges Raillard