J'arrache le brouillard qui reste dans le panier de nuages. Interpréter c'est apprendre à rêver

Un Kanak dit un jour à un ami linguiste : « je vais vous raconter mon histoire, branchez votre magnétophone ». Face au micro, il ne prononça ensuite qu’une seule phrase : « je suis la liane de portage de la lune et du soleil », puis il s’en retourna chez lui, sans autre commentaire. Des années plus tard, après l’étude fouillée de quantité de récits relatifs à la chefferie dont notre interlocuteur au propos sibyllin était membre, il apparut qu’il avait décliné là son identité politique. Si la lune renvoie aux fondateurs de la chefferie et le soleil au chef lui-même, celui qui relie les deux entités n’est autre que le médiateur de l’institution : son clan a, dit-on, conduit les chefs jusqu’au terroir où les anciens occupants les ont accueillis en leur cédant la fonction de représentation du groupe local (1).

Interpréter, en l’occurrence, c’est passer de la rhétorique à la position institutionnelle qu’elle exprime, du code à ce qui est codé, du texte au contexte sous-jacent ; bref, ramener l’image à sa fonction, selon une démarche qui ne fait pas ici de la lune et du soleil les éléments d’une « pensée mythique » mais simplement des figures de style, selon une forme d’expression lapidaire qui n’est pas exclusive, chez les Kanaks eux-mêmes, d’autres formes narratives, moins fleuries et plus explicatives.


À propos de phrases étranges du type de celle citée ci-dessus, l’ethnologie s’est s...

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