La chambre : lexique désordonné et incomplet

Article publié dans le n°1020 (01 août 2010) de Quinzaines

Chambre à coucher ; pour que ce soit une chambre, une porte fermant à clef est requise – et des rideaux, rappelle Michelle Perrot. Le « minimum démocratique », écrit-elle.Faire ch...

Chambre à coucher ; pour que ce soit une chambre, une porte fermant à clef est requise – et des rideaux, rappelle Michelle Perrot. Le « minimum démocratique », écrit-elle.
Faire chambre à part.
Chambre d’hôtel.
Chambre d’hôte.
Chambre en ville.
Chambre avec vue.

Va dans ta chambre !
(Ceux qui n’ont pas de chambre à eux, mais dorment dans un dortoir, un coin, sous l’escalier, comme Cosette, sous une couverture, comme le père dans le conte médiéval de « La Housse partie », sous une tôle, un carton ; les sans-abri.) La chambre est hantée par l’absence de chambre.

Chambre mortuaire (dans un hôpital, à usage des familles) ; à distinguer de la chambre funéraire, qui relève d’une mission de service public : structure d’hébergement des corps dans l’attente d’une inhumation ou d’une crémation. Voir salon funéraire, funérarium.

Chambre froide (plus grande qu’une simple armoire ou garde-manger). Chambre désigne là un local clos, hermétique.

Chambre à gaz (en usage aux États-Unis depuis les années 1920) : gas chamber. Gee Jon fut la première personne exécutée dans une chambre à gaz aux États-Unis. Il mourut le 8 février 1924 au Nevada ; il s’agissait de trouver un mode d’exécution moins barbare (que la corde, disons) ; mais comme le gaz asphyxiant introduit dans sa cellule s’était échappé, on construisit une pièce hermétique, etc. Toujours en usage dans certains de ces États.

Chambre forte (également bien fermée), cf. coffre-fort.

Chambre à air (anglais tube). Comprend une valve ; la réparation était délicate, satisfaisante si réussie.

Chambre d’artillerie, chambre d’une arme à feu (une cavité fermée).

Premier gentilhomme de la Chambre du Roi.

La Chambre (des députés, des communes, correctionnelle, haute, d’enregistrement, introuvable ; le bi-caméralisme) ; les Chambres. Une assemblée (ouverte, publique) n’est évidemment pas une Chambre.

Chambre d’agriculture, de commerce, des notaires, des métiers.

Chambre d’enregistrement : qui ne discute pas les projets présentés, les adopte simplement. Ou : chambre d’hôpital dans laquelle on va enregistrer longuement un électro-encéphalogramme.

Chambre ardente : une Chambre ardente était une cour de justice investie d’un pouvoir extraordinaire pour juger des faits exceptionnels. La salle des audiences était tendue de noir et éclairée par des flambeaux, même de jour. Cf. chapelle ardente : salle où l’on veille un ou des morts, souvent éclairée de cierges.

Chambre noire, camera obscura. Caméra. Chambre claire.

Aller à la chambre (chambre = cabinet).
Garder la chambre.
Musique de chambre, orchestre de chambre.
Théâtre en chambre, opéra de même ; travailler en chambre ; sport en chambre.
Pot de chambre, robe de chambre (ou : des champs, pour la pomme de terre).
Chambre d’échos : crée cet effet à partir d’un son, en le répétant, le différant.
Chambrée des camarades (pléonasme : c’est le même mot).
Chambrière :

  1. Femme attachée au service de la personne et des chambres. On dit maintenant femme de chambre. Cf. valet de chambre.
  2. Terme de manège. Fouet léger à long manche, employé dans les manèges ; c’est une aide plutôt qu’un instrument de punition.
  3. Morceau de bois attaché par un anneau sous une charrette et qui sert à la soutenir droite quand elle est sans chevaux.
  4. Sorte de chandelier en usage chez les charrons et autres ouvriers.
    Outil de maréchal pour arranger le fer et le charbon dans le feu.
    Bâton attaché près de l’établi du tréfileur.
    Petit ruban avec lequel la fileuse tient sa quenouille attachée devant elle.
  5. Terme de marine. Espèce de crampe servant aux chantiers de la mâture.
    Petit cordage pour serrer les voiles d’étai et d’artimon.
    (Une fois ouverte la chambre du langage, on est vite submergé.)
    Chambrelan ou chambellan.


Chambrer : circonvenir, coincer quelqu’un dans une situation, duper ; ou amener un vin à la température de la pièce.

Mot si français, imprononçable ailleurs, avec sa nasale, la terminaison abrupte, ce mot si familier, d’une incommodité qu’on oublie. Écouter la différence entre « cambre », si expressif, visuel, érotique, et « chambre », où la chuintante initiale se prolonge par un étirement surprenant, et un e muet final, sur lequel la voix peut se reposer un peu.

Pierre Pachet