Nous publions ici la première des lettres que nous avons reçues pour fêter l'anniversaire du journal.

Bon anniversaire !

En 1966, je fais mon service militaire à Mulhouse. Ce 17 mars, avant de partir en perm’, j’achète le premier numéro de la Quinzaine, sans doute au buffet de la gare ; je le lis durant le trajet qui va de Mulhouse à Thionville en Moselle – notamment l’inédit de Samuel Becket. Hier, toujours à Thionville, j’ai acheté le numéro 1143. Il doit m’en manquer une dizaine… J’aurais dû m’abonner… Pour fêter ce cinquantenaire, j’ai décidé de les faire relier ; je viens de recevoir les 5 premiers volumes, 25 numéros par volume. Magnifique ! Cela fera plus de quarante volumes quand tout sera terminé ; j’espère d’ici là trouver les numéros manquants… Pas facile. 

Cinquante ans, l’âge adulte selon les Romains, c’est-à-dire l’âge où l’on avait fini de grandir… Mais ce qui vaut pour l’être humain n’a peut-être pas de sens quand il s’agit d’une revue comme la vôtre, une revue qui ne se voulait pas « revue littéraire » mais revue de critique littéraire à l’instar du supplément du Times. Et quelle belle régularité métronomique dans la livraison ! Deux interruptions : le numéro 52, mai 68 oblige, et plus récemment octobre 2013, passage à la Nouvelle Quinzaine… Ancien prof de lettres, j’ai tout au long de ma carrière expliqué les « auteurs » du Lagarde et Michard avec sous le coude la Quinzaine, qui me rappelait qu’il y avait aussi des écrivains qui s’appelaient René Char et Céline et surtout qui m’aidait à donner du sens aux textes que « j’expliquais ». Il s’agissait d’« ôter les lunettes que l’université (nous) a placées sur le nez », pour utiliser la formule de Maurice Nadeau reprise par Patricia De Pas dans le numéro 1142. C’est grâce à la Quinzaine et plus particulièrement grâce aux écrivains de la Quinzaine, car le commentaire de l’œuvre est aussi une œuvre, que j’ai appris que le texte n’est pas là pour aider à « bien causer » mais à « penser juste ».

Que de découvertes grâce à votre journal ! Soljénitsyne, par exemple ! Que de textes qui aujourd’hui encore gardent toute leur actualité ; ainsi cette analyse dans le numéro 6 des étrangers en France à propos du numéro spécial de la revue Esprit ; que de vues prophétiques ! « Les structures de l’Université éclatent », pouvait-t-on lire dans la livraison d’avril 68… Une revue qui ne s’en tient pas à la seule littérature de langue française mais qui, de Rilke à Novalis, explore tous les pays et les continents. « Nous voulons nous consacrer à la lecture », était-il dit dans le numéro 2 ; que dire de plus ? Merci à la Quinzaine de continuer à nous donner chaque quinzaine un supplément d'âme. 

Michel Printz