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La résistance des lucioles

Article publié dans le n°1210 (01 mars 2019) de Quinzaines

Dans la rencontre clinique, les instants de grâce, de poésie, d’humour, sont autant de petites lumières et de respirations dans une pratique du soin psychique souvent malmenée. Nous ...

Dans la rencontre clinique, les instants de grâce, de poésie, d’humour, sont autant de petites lumières et de respirations dans une pratique du soin psychique souvent malmenée. Nous avons proposé à des cliniciens de partager le vivant de ces instants, leurs lucioles.

 

Si j’étais… 

Ixcil est hyper adapté, avec une vie intérieure qui semble abrasée. Il paraît privé de toute parole vivante et même de tout intérêt pour son monde intérieur. Comment éveiller en lui une curiosité vis-à-vis de lui-même ?

Un jour, je lui propose le jeu du portrait chinois : « Si j’étais un arbre… » Docile mais peu intéressé, il s’y prête néanmoins, poliment : « Si j’étais un arbre, répond-il après un long temps de perplexité, je serais de grande hauteur… pour respirer au-dessus des autres… mais je n’aimerais pas car un arbre ne peut pas se déplacer. » Et à la séance suivante Ixcil reprend spontanément : « Un arbre feuillu qui change avec les saisons… qui abrite des oiseaux : habité. » Ce dernier mot soudain résonne, comme suspendu vers un lieu inconnu qui dessinerait peu à peu ses contours : expérience d’être déshabité, vertigineuse absence de tout autre en soi ? Entre tes branches nul bruissement, nul pépiement, nulles furtives allées et venues ?… « Mais j’ai besoin, ajoute-t-il, de ne pas rester figé au même endroit : être un arbre décidément ne me va pas. »

Annie Franck

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