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Édito

Philosophes vieillissants Les vies des philosophes ont toujours éveillé la curiosité, depuis Diogène Laërce et ses Vies et doctrines des philosophes illustres. Montaigne était...

Philosophes vieillissants

Les vies des philosophes ont toujours éveillé la curiosité, depuis Diogène Laërce et ses Vies et doctrines des philosophes illustres. Montaigne était « bien marri que nous n’ayons une douzaine de Laertius », car il était « curieux de connaître les fortunes et la vie de ces grands précepteurs du monde, comme de connaître la diversité de leurs dogmes et fantaisies ». Sans doute sommes-nous curieux, nous aussi, de savoir comment ceux qui prétendent vivre dans le monde des idées s’accommodent, ou non, des difficultés d’une vie bien terre à terre.

Dans l’actualité éditoriale, trois livres évoquent cette question, puisqu’ils illustrent la manière dont les philosophes font face à l’épreuve de la vieillesse. L’un est le Journal tenu dans les dernières années de sa vie par l’archétype du professeur de philosophie français, Alain. L’autre porte sur un de nos contemporains, Jürgen Habermas, le patriarche de la philosophie allemande. Le troisième, un roman de Dominique Noguez, décrit un philosophe de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à qui vient, sur le tard, l’envie d’être élu au Collège de France.

Ces vieillesses de philosophes n’ont pas la même tonalité. Le philosophe français, théoricien du radicalisme et du pacifisme, vieillit fort mal, dérivant, sans trop s’en rendre compte, à l’unisson de la France pétainiste. Le grand philosophe allemand semble ne pas avoir de vie personnelle, sa vie étant réduite à son oeuvre, ce qui lui permet sans doute de tenir le magistère moral de l’Allemagne démocratique postnazie. Le philosophe désinvolte décrit avec humour par Dominique Noguez s’en tire mieux, si l’on peut dire, en sombrant dans la dépression.

Tout cela n’est pas très joyeux et l’on peut alors garder comme viatique la formule de Bette Davis, qu’aimait à citer le grand philosophe américain Stanley Cavell, disparu le 19 juin dernier : « Old age is not for sissies » (« la vieillesse, ce n’est pas pour les mauviettes »).

Jean-François Braunstein

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