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Oui, La Quinzaine est toujours là. Cela étonnait Nadeau en 1996, cela nous émerveille en 2016. Car si « le monde (avait) changé » entre 1966 et 1996, que dire de l’évolution observée depuis lors ?

En 1966, le projet de Maurice Nadeau tenait de la gageure : atteindre les « trente mille lecteurs » tout en résistant aux engouements de la vie culturelle, cette « fiction collective » (Jacques Rancière, La Quinzaine littéraire n° 459). Dans une austérité qui n’excluait pas l’audace, La Quinzaine littéraire s’attachait à découvrir « les grandes plumes », les « grandes pensées », parfois souterraines ou cachées, dans une production éditoriale déjà pléthorique. Régulièrement (bien que le rythme ne fût pas bimensuel), Nadeau élisait une œuvre majeure, il l’estampillait Livre de la Quinzaine

En ce temps-là, les paroles des ondes, des écrans de télévision, s’envolaient, l’écrit seul faisait témoignage. Mais aujourd’hui ? À l’heure des podcasts, du streaming, cette prévalence patrimoniale peut-elle encore se défendre ? 

En 2016, La Quinzaine littéraire n’a pas encore atteint l’objectif quantitatif que s’était donné son fondateur. Mais un demi-siècle après sa création, elle est devenue plus qu’un journal : une institution.

Face à la pluralité des supports (voir l’entretien avec Roger Chartier en p. 16), elle s’efforce d’être l’un de ceux qui permettent encore de distinguer le durable de l’éphémère, l’œuvre commerciale de celle qui opère des retournements intimes chez le lecteur, change le cours de ses pensées...

Chers lecteurs, en cette date anniversaire, tout en restant lucide sur la fragilité de sa pérennité économique, je suis heureuse d’avoir œuvré en 2013 – et de persévérer depuis lors - pour que vive La Quinzaine littéraire. Faisant fi des Cassandre qui prédisent la mort prochaine de la presse littéraire, notre journal est lu aux quatre coins du monde, il s’évertue à durer, il résiste !... Et résistera encore.

Patricia De Pas,
Directrice de la publication.