La question de la philosophie proustienne évoque immanquablement les idées de Proust ou du héros-narrateur sur l’amour, l’amitié, la mémoire, l’œuvre d’art, etc., ainsi que les études remarquables (mais divergentes) de Poulet, Deleuze, Ricœur, Descombes ou encore, pour les connaisseurs, celles d’Alain de Lattre et d’Anne Henry (1) – question donc à la fois déjà traitée et véritablement répétable autant de fois qu’un penseur avisé s’y intéresse sous un angle original. La gageure du livre de Luc Fraisse est de briser ce cercle vicieux, qui est plus généralement celui de la critique proustienne, et de le transformer en cercle vertueux. Comment ? D’abord en remontant aux sources et aux faits, que les travaux d’Henri Bonnet et André Ferré (2) avaient commencé de mettre au jour, avant que la correspondance générale de Proust publiée par Philip Kolb entre 1970 et 1993 n’apporte de précieuses informations.
L'éclectisme philosophique de Marcel Proust
Les faits. En 1888, Proust entre en « classe de philosophie » au lycée Condorcet et reçoit avec un enthousiasme inouï l’enseignement de son professeur Alphonse Darlu, qui lui laisse une impression durable et profonde, bien plus importante que les cours de littérature dispensés en « classe de rhétorique ». Après un service militaire et une licence de droit, le jeune écrivain entreprend en 1893 une licence de « lettres et philosophie » – qu’il obtiendra à l’aide de Darlu devenu pour l’occasion son professeur particulier. Luc Fraisse rapproche le programme très fourni de cette licence de ce...
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