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Cy Twombly et la photographie

Grâce à deux expositions, à Avignon et à Arles, nous connaissons ce que nous ignorions à peu près complètement : l’œuvre de photographe de Cy Twombly, les rapports de TW (comme écrivait Barthes) avec la photographie, avec quelques photographes élus, du passé ou d’aujourd’hui. Un événement dû à la Fondation Lambert.

EXPOSITIONS
LE TEMPS RETROUVÉ
CY TWOMBLY ET ARTISTES INVITÉS
Hôtel de Caumont à Avignon et Chapelle du Méjan
à Arles, 12 juin – 2 octobre 2011
Catalogue en 2 volumes reliés, édition bilingue
français-anglais, introduction et notice d’Éric Mézil
Coédition avec Actes Sud, 384 p., 230 ill., 49 €

Grâce à deux expositions, à Avignon et à Arles, nous connaissons ce que nous ignorions à peu près complètement : l’œuvre de photographe de Cy Twombly, les rapports de TW (comme écrivait Barthes) avec la photographie, avec quelques photographes élus, du passé ou d’aujourd’hui. Un événement dû à la Fondation Lambert.

Deux expositions peut-être moins « médiatisées » que ne l’avait été, il y a quatre ans l’affaire du Baiser dont une artiste avait laissé une empreinte vermillon sur le blanc de la toile. On trouvera l’histoire de l’affaire et ce qu’on peut en penser dans un petit livre Dommage(s) à propos de l’histoire d’un baiser (Actes Sud, 2009).

Pour certains Cy Twombly est l’un des plus notables artistes vivants (il vient de mourir, il était né en Virginie en 1927). Pour beaucoup, avant le Baiser, un inconnu. Et paradoxe – si l’on tient compte de ce qu’est « l’écriture de Twombly » – inconnu de Barthes quand on lui demanda d’écrire un texte, deux textes, sur TW. À son ami Renaud Camus qu’il interroge : « qui c’est Cy Twombly ? », Barthes va répondre lui-même par le plus aigu de ce qui a été écrit sur TW. (Dans L’Obvie et l’Obtus [La Quinzaine littéraire n° 379] on lit : « TW c’est en somme un écrivain qui accéderait au graffiti de plein droit et au vu de tout le monde. ») Nous avons suivi ici des expositions de l’œuvre de Twombly, ce qui était connu, voire déjà fameux : les dessins (la langue de Twombly, QL n° 870). Et à Beaubourg en 1988 Peintures, œuvres sur papier, sculptures (QL n° 506).

Voici la photographie, une exposition annoncée par un titre d’abord énigmatique : Le temps retrouvé, qui comme les graffitis de Twombly, serait fait d’un entrelacs de références ? Mais dans Le temps retrouvé de Twombly la Méditerranée, comme dans l’œuvre entier du peintre, joue un rôle moteur, un ressac sans ostentation. Barthes écrivait : « l’art inimitable de Twombly est d’avoir imposé l’effet-Méditerranée à partir d’un matériau (griffures, salissures, traînées, peu de couleur, aucune forme académique) qui n’a aucun rapport analogique avec le rayonnement méditerranéen ».

C’est par la bande (mot proustien à désignations multiples) que nous trouvons une entrée dans des singularités méditerranéennes. Photographiés, des verres et des bouteilles, translucides et opaques comme les natures mortes de Morandi. Parmi les références de Twombly amateur de photographie, Bonnard, dont sont reproduits d’admirables clichés : La Baignade, Marthe de profil enlevant sa chemise, Marthe au tub. Bonnard est présent sur une photo de Vuillard prise « un dimanche à l’Étang-la-Ville » : une sortie à la Verdurin. Sur une autre photo Mme Vuillard épluche des haricots verts, comme dans Proust on épluche des asperges. Une botte de radis passe pour le chef-d’œuvre d’Elstir. Twombly photographie des grains de raisin, des roses, de près, de très près, de loin, des fleurs qui vont perdre le contour de leurs corolles dans la pourpre ou le jaune qui l’emporte. Il suspend son regard, arrête le nôtre, sur le vert de trois choux grenus. Un torse de Pan est marqué de clous que l’on dirait autant de grains de beauté sur le ventre d’une femme. La plage qui pourrait être de Rivebelle est Miramare (1905). Des Fleurs sont en cours à l’atelier. En 2009 les brosses sont alignées à la verticale.

Toute la diversité de la Recherche du temps perdu est logée dans le regard de Twombly sur des choses ou sur lui-même ou ses amitiés (Cage, Rauschenberg, Sally Man qu’il met au pinacle). Le titre de l’exposition constitue donc le rapport le plus vif entre l’œuvre de Twombly et celle de Proust. Mais explicitement aussi ce temps retrouvé doit beaucoup à deux Italiens. La préface du catalogue est ainsi intitulée À l’ombre du jardin de Finzi Contini de Vittorio De Sica et de Senso de Luchino Visconti.

Le commissaire de l’exposition, organisée avec Cy Twombly, explique le sens du titre : « le titre de Marcel Proust – Le temps retrouvé – m’était immédiatement venu à l’esprit en voyant comment Cy dans son atelier et sa sublime maison associait ses propres photographies. Celles d’une même série étaient évidemment regroupées (tels fruits, tels paysages) mais les images d’intérieur ou de ses sculptures par exemple ne respectaient aucune chronologie : un temps retrouvé dilaté entre 1951 et 2001 et soluble dans l’énergie de la vie ».

Georges Raillard

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