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Échos de la vie littéraire

Article publié dans le n°1241 (22 déc. 2021) de Quinzaines

Le retour du bedeau Événement retentissant à la Sorbonne ce jeudi 2 décembre. À 19h30, dans un amphithéâtre Richelieu presque plein, le ban et l’arrière-ban de l’université frétillaien...

Le retour du bedeau

Événement retentissant à la Sorbonne ce jeudi 2 décembre. À 19h30, dans un amphithéâtre Richelieu presque plein, le ban et l’arrière-ban de l’université frétillaient à l’idée de s’abreuver de la parole d’un maître généralement silencieux, en l’espèce un écrivain en canadienne jaune et noire : Michel Houellebecq. Plus voûté que jamais, avec l’allure d’un bedeau jailli d’un livre de Frédéric Dard, le Félicien Champsaur de notre temps allait disserter. Pâmoisons. Même BHL était de sortie, poitrail découvert malgré le climat, naturellement sans masque, ignorant aristocratiquement les règles de salubrité imposées par les contingences à la plèbe. Dans le cadre d’un séminaire au titre fort romantique, « Le livre ou la vie », la soirée était organisée par Paris-Nanterre, avec le concours de la romancière et biographe d’Apollinaire Laurence Campa. Sous le contrôle d’une enthousiaste Agathe Novak-Lechevalier, le grand romancier allait donc parler de son œuvre. Elle l’avait déjà interrogé pour la revue Le Magasin du XIXe siècle en 2011. On nous prévint d’emblée qu’il ne serait pas question de faire la promotion de son prochain livre – ce « beau roman » à paraître en janvier.

Contre toute attente, on entendit beaucoup de banalités sur l’acte d’écrire et sur la littérature, car on doit contredire ceux qui pensaient au sortir de la séance avoir vécu un « moment historique ». Si l’on voulait bien s’y arrêter un instant : « un roman n’a jamais changé le monde… Dans le meilleur des cas, les gens seront contents de voir le monde décrit d’une manière qui leur paraît satisfaisante, sans être pénétrés par l’idée de le changer. Cela assure la totale innocuité du genre romanesque. Un roman, ce n’est pas le Manifeste du Parti communiste. La littérature n'incite pas à transformer le monde, elle incite à en être non dépendant. » Furent même énoncés truismes et à-peu-près (le Second Empire étant selon notre historien amateur une époque fort riante, la preuve par Offenbach). Rien de provocant en somme, non plus que de révolutionnaire. Une originalité remarquable cependant : « C’est les autres qui font de nous un écrivain », rare aveu chez un créateur du fait que l’écrivain naît dans le regard d’autrui et non dans l’acte d’écrire. Michel Houellebecq, symptôme de notre temps, n’en est donc pas tout à fait dupe, même s’il ajoute paradoxalement, sans vergogne, « Je deviens une espèce de repère dans l’imaginaire d’une époque, ça n’est pas rien ». La fréquentation de BHL n’est pas sans effet…

Eric Dussert