En principe, les expositions d'art comportent un mode d'emploi, comme tous les produits compliqués. Ainsi, avec les peintres impressionnistes, dont les rétrospectives se sont succédé, on nous invitait à revivre en images la pulvérisation de la représentation académique, des grands récits édifiants, des héros statufiés, de la muséification généralisée. Les peintres académiques eux-mêmes, qu'on dit aussi « pompiers », et dont les rétrospectives ont pris le relais, sont volontiers présentés comme les repoussoirs ou les vaincus de ce que Pierre Bourdieu a appelé la « révolution symbolique » (en sous-titre de son livre sur Manet, Seuil, 2013). Autrement dit, l'esthétiquement correct et l'esthétiquement désuet devraient se répartir aussi nettement que la gauche et la droite sur l'échiquier politique.
EXPOSITION
CHARLES GLEYRE (1806-1874)
Le romantique repenti
Musée d’Orsay
Jusqu’au 11 septembre 2016
Ce qui fait néanmoins problème, c'est que, une fois éteints les feux d'artifice de ladite révolution, l'académisme continue à exercer une fascination étrange, réactivée aujourd'hui par la rétrospective Charles Gleyre. En dépit de ses convictions socialisantes et anticléricales, Charles Gleyre (1806-1874) représente l'archétype du pompiérisme. Sa grande composition, Le Soir, rebaptisée Les Illusions perduespar le public enthousiaste du Salon de 1844, aura été aussitôt raillée par Baudelaire pour sa sentimentalité racoleuse. C'est dans l'atelier de Gleyre, précisément, qu...
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