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Édito

La démission de Nicolas Hulot et le « résumé pour décideurs » du rapport spécial du GIEC (6 octobre 2018) remettent l’écologie à l’ordre du jour politique. Pour combien de temps ? Concernant le ...

La démission de Nicolas Hulot et le « résumé pour décideurs » du rapport spécial du GIEC (6 octobre 2018) remettent l’écologie à l’ordre du jour politique. Pour combien de temps ? Concernant le climat, la COP 21, qui s’est tenue à Paris en décembre 2015, fut saluée – en France – comme une grande victoire. En réalité, c’était un pas en avant (on allait y mettre des centaines de milliards de dollars et tenter de limiter le réchauffement à 2 °C) et un pas en arrière : il n’était pas question d’entraver la croissance et le commerce mondial ; aucune sanction juridique n’était envisagée. L’accord n’est d’ailleurs pas entré en vigueur, car certains pays (notamment les plus contributeurs au réchauffement : États-Unis, Russie, Chine) ne l’ont pas ratifié. L’annonce d’une limitation à 1,5 °C – destinée à secouer l’opinion publique : but atteint – n’a pas beaucoup de portée, car encore faut-il savoir si ce sera l’effet de mesures d’atténuation ou d’adaptation ; qui va prendre les devants pour arriver à un tel résultat ; quelle sera la part d’initiative entre l’ONU et les États ; quelles seront les obligations imposées aux acteurs économiques et aux collectivités territoriales ? En saurons-nous plus avec le rapport de 400 pages qui paraîtra dans quelques mois ?

Le « résumé pour décideurs » est d’une grande imprécision – malgré une très forte quantité de chiffres qui donnent le tournis – et parsemé d’évidences et de vœux pieux. Évidences : les risques de dommages seront plus élevés si le réchauffement global est de 2 °C que s’il est de 1,5 °C ; de même, pour la biodiversité (dont l’impact est chiffré, mais avec une assez grande incertitude) ; de même, pour les efforts d’adaptation ; de même, pour la limitation du réchauffement et le développement durable (par exemple : la consommation « responsable »). Vœu pieux : accroître les capacités des autorités publiques et privées, des peuples indigènes et des communautés locales pour mener des « actions ambitieuses ». Nous n’avons pas entendu dire que les plus grands États mondiaux et les plus grandes entreprises mondiales aient décidé, d’un commun accord, d’agir en faveur d’un « développement durable » assorti de mesures de limitation d’augmentation de la température rendues obligatoires. Ne rien faire est considéré comme un véritable crime. Existe-t-il des crimes sans sanction ?

Cet exemple est illustratif du dicton : « Il y a loin de la coupe aux lèvres. »

C’est ce sur quoi notre dossier veut alerter. Les connaissances scientifiques en matière d’écologie – y compris humaine – sont suffisantes pour comprendre les liens de cause à effet entre activités humaines et évolution de la biosphère, mais ne permettent pas de prédiction, étant donné la variabilité qui nourrit l’évolution des vivants à divers niveaux (les organismes, les populations, les communautés, sont autant concernés que les espèces). Ce que montrent Henri Décamps et Pierre-Henri Gouyon. L’évolution du droit de l’environnement est exubérante et conduit à une action collective poussée par les juristes et les magistrats, comme le constate Christian Huglo, l’un des créateurs du droit de l’environnement. En revanche, les « décideurs publics » – dit Corinne Lepage, qui fut ministre de l’Écologie –, à commencer par les États, d’une part, se contentent d’idées trop simples sur l’écologie et l’environnement, d’autre part, ne font pratiquement rien pour imposer les changements radicaux nécessaires. Ce contraste entre une science très robuste et une action politique très timorée (voire enfermée dans le déni) a des causes lointaines et profondes : une vision de l’homme « hors » de la nature, dont nous avons du mal à nous défaire, comme l’indique Michel Juffé.

Jean-Paul Deléage & Michel Juffé

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