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Fenêtre sur Patrick Varetz

Article publié dans le n°1099 (16 févr. 2014) de Quinzaines

Patrick Varetz
Premier mille
(P.O.L.)
Poème-journal en mille morceaux On hésite tout d’abord à entrer, on se tient sur le bord et quand enfin on se décide, on ne s’arrête plus, on est happé, tant les poèmes ...

Poème-journal en mille morceaux

On hésite tout d’abord à entrer, on se tient sur le bord et quand enfin on se décide, on ne s’arrête plus, on est happé, tant les poèmes se font récit, tant le poème entier que constitue le livre est jeté, propulsé en avant. Un long poème-récit, donc, à peine interrompu par les chiffres au début de chacun des fragments, qui scandent l’ensemble, par le blanc qui l’entoure ou s’interpose entre les vers très courts, pas plus de dix syllabes, parfois seulement cinq, répartis en tercets et terminés souvent par un seul vers ou mot.

Les titres des poèmes figurent non au début comme c’est l’usage, mais à la fin, ils sont extraits du texte qui précède et séparés de lui par un grand blanc, déposés sur la ligne qui achève la page. De sorte qu’on les lit comme un refrain ou un écho, qu’ils prolongent le poème, qu’ils en constituent un à eux tout seuls.

On apprend que l’auteur a écrit deux romans (publiés chez le même éditeur), qu’il travaille et qu’il vit dans le Nord, et que son Premier mille sera suivi par d’autres. J’ai « besoin, déclare-t-il, d’écrire tous les jours, le matin, le soir, et la nuit quand je ne dors pas ». Ce qui pourrait faire craindre un texte fleuve et fade mais ce n’est pas le cas, bien au contraire. Les pages, les vers, les mots, habités par l’idée de la mort, la détresse, le sarcasme, la colère, sont tendus à se rompre et d’ailleurs ils se rompent, quand le mot, commencé à la toute fin d’un vers, se poursuit au suivant…

« Il s’emmerde sur sa chaise

Roulante il conchie le
Ciel ah putain qu’elle
Est bonne cette

Gorgée… »

L’interruption comme on le voit relance le mouvement de la lecture au lieu de la suspendre.

« Les mots les phrases se
Brisent pour tendre à la
Fluidité… »

Quelquefois, en italique, une suite inspirée par un autre écrivain, quelque grand auteur qu’il admire comme Victor Hugo, par un texte sacré, comme les Lamentations. Ce qui replace le quotidien, souvent trivial, au cœur de la grande littérature, très « loin du chaos du jour ».

« Qui pour élever la cendre
Par-dessus les têtes puis
Les forcer à s’incliner qui

Les yeux et le ventre en
Désordre le foie répandu
Qui brisé comme la mer

Illusoire et fade qui pour
Téter le vin et grincer des
Dents qui multiple de un

Et totalité de la beauté
À desserrer la bouche
Au cœur de l’allégresse ?

Au cœur de l’allégresse ? »
(Ce dernier vers est placé en bas de page.)

Marie Etienne

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