Loin de se confondre, me semble-t-il, l’interprétation et le commentaire relèvent de démarches distinctes, voire opposées, même s’il s’agit, dans les deux cas, d’une activité seconde ou parasite de l’esprit, d’une réflexion venant après coup, d’une lecture, comme on dit souvent aujourd’hui. Le commentaire – un terme dans lequel on retrouve la racine mens, c’est-à-dire esprit, et le préfixe cum, avec – fait comme si le sens d’un texte (ou d’un événement, ou d’un comportement) était déjà là, présent, établi, objectivé, à la fois sacré et figé ; il appartient au commentateur d’expliciter ce sens par des gloses, des scolies, des annotations, et de prendre ainsi place dans la série souvent longue de ceux qui, déjà, ont ainsi enrichi le texte. Comme la longue série des commentateurs d’Aristote ou de Kant.
Plus risquée est l’entreprise qui consiste à interpréter, car elle part de l’hypothèse que le sens d’un texte, d’un discours, d’un événement ou d’un comportement n’est pas donné, qu’il doit être construit, en surmontant des obstacles, ne serait-ce que celui de la langue ou de l’oubli. L’interprétation est à la fois humble et arrogante. Arrogante parce qu’elle assume la part de subjectivité qui marque son point de vue, affirme la légitimité de cette liberté prise par rapport à ce qui paraît donné. Mais en même temps il y a dans l’interprétation une part d’humilité, dans la mesure où cette...
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