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Lucartiste !

La librairie Métamorphoses édite un catalogue de l’exposition qu’elle a organisée au mois de février, à Paris, sur les inventions plastiques dans les livres du poète Ghérasim Luca. L’occasion de découvrir ou de redécouvrir cet homme singulier dont l’importance ne cesse de croître.
La librairie Métamorphoses édite un catalogue de l’exposition qu’elle a organisée au mois de février, à Paris, sur les inventions plastiques dans les livres du poète Ghérasim Luca. L’occasion de découvrir ou de redécouvrir cet homme singulier dont l’importance ne cesse de croître.

Comme Tristan Tzara ou Isidore Isou, Ghérasim Luca est l’un de ces écrivains nés en Roumanie qui comptèrent dans le débat des lettres françaises. Dès les années 1960, ses lecteurs apprécient aussi ses étonnants « récitals » mais peu d’entre eux, certainement, connaissaient les magnifiques réalisations visuelles qui l’occupèrent.

Ghérasim Luca a conçu maints livres avec des amis plasticiens tels le photographe Gilles Ehrmann ou les peintres Victor Brauner, Pol Bury ou Wilfredo Lam, pour nous en tenir aux plus prestigieux, mais c’est avec sa femme Micheline Catti qu’il collabora peut-être le plus étroitement, allant jusqu’à signer leurs œuvres communes « Lucatti », tant, chez lui, la dimension plastique était importante. Cela nous vaut ces réalisations artistiques qui entourent, répondent ou s’insinuent entre les vers de l’homme de lettres ; mais son inventivité touche le livre lui-même qu’il transforme en « livre-objet », en « livre-sculpture ». Ses interventions se signalent aussi dans des cartes-poèmes, des ouvrages avec dessins des siècles précédents, des images découpées dans la presse avec leur légende imprimée, des photographies anciennes accompagnées de poèmes autographes, etc. Ses « cubomanies » enfin, formidables morceaux de peintures du passé découpées en carrés et réassemblées par l’écrivain, pourraient être rapprochées de la postmodernité mais elles signalent surtout un œil qui sait voir l’évidente étrangeté des œuvres les plus classiques. Ce sont des propositions visuelles éblouissantes qui montrent dans le vêtement d’un Portrait de musicien de François Clouet par exemple « la mort, la mort folle, la morphologie de la méta, de la métamort, de la métamorphose ou la vie, la vie vit, la vie-vive, la vivisection de la vie », comme il l’écrivait dans Héros-limite.

 

Erratum : Lucartiste a été changé en Lucariste sur la version imprimée. Nous vous prions de nous excuser pour cette coquille.

Thierry Romagné