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Pour un vestiaire poétique

Article publié dans le n°1238 (22 juil. 2021) de Quinzaines

Le poème de ce mois, inédit comme le veut cette rubrique, nous est confié par Isabelle Garron.

Isabelle Garron
rose de la fin

Le poème de ce mois, inédit comme le veut cette rubrique, nous est confié par Isabelle Garron.

Qui suis-je ?

à Franck Yeznikian

1.

sous la dictée passent des protagonistes  le souffle lent 
ils miment leurs aventures        de même le fait que tu prétendes
entrevoir    ce risque du corps    musical et dénué 

tu le sais   il est des cordes sur l’océan    elles suintent
les formes de l’air   lorsque cela se peut   l’annonce d’une apparition
l’annonce d’une disparition 

puissent ta légèreté l’avènement des mots
éclore dans tes yeux    et le refus des défilés celui des jambes dures
car oui   c’est se rendre à la syllabe près 

2. 

or ce n’est point de l’habileté
tu l’auras écrit     c’est un risque   comme ce peut être
un geste  qui fait trace 

un geste ancien   un signe neuf   
de l’idéation     le soleil très haut   puis
dedans   un récit de sous-bois 

un récit verdoie dans la trame inscrit notre avancée 
il fait distance et date  pendant que tu narres  laisse
à ma portée le camphre d’un nom

3. 

le nom est chanté  il perce   et ainsi faire ce nommer  c’est ouvrir
la séquence  peu lisible pour commencer   d’une danse animale à deux êtres
conduite par l’instrument 

dont une mesure seule peut signifier l’alliance    elle peut autrement
décider du temps   du temps nu de ce temps unique à la formulation nue
c’est vrai : nous nous sommes si peu parlés    

ce soir tu regardes les enveloppes d’Emily D. leur rien phénoménal
elles rappellent votre phrasé  et je les serre  avec l’entorse d’une main   
la minceur d’un poème qui s’humecte avant de se clore 

4. 

votre écoute parmi les fougères    et le vert des grands arbres
sur le chemin de moyenne montagne    l’enfant dans les pas de l’adulte
ne sait formuler la direction d’ensemble 

l’excès    ainsi tenu secret dans la marche    le sera par la couleur
tu touches le caressant  un jaune pissenlit  un rouge de terre cuite
un vert précis dans la gamme et l’image d’une mare     

le bleu TW   le vert Joan Mitchell    celui des toiles du début
mêlé au rose de la fin aux vibrations entendues des grands panneaux 
des rotations de mémoire  le mauve repris dans la partition du parc 

dehors reste la forge  ailleurs des improvisations ont lieu
parfois dans des maisons où la ville penche   près des sources
celles que votre corps longe avec affinité

5. 

j’admire la ligne de vous-même ce trois temps et l’imminente poussée
d’un déhanchement  votre bras tatoué d’idéogrammes tenant trois coquelicots
dont il faut relire en marge    les points de chorégraphie 

dans la veille des silences à votre écoute  je cherche un ton
une forme de nid qui ne ressemble à rien avant de parvenir au mot 
rien    : ne peut se faire sans vous  c’est un chant 

c’est de l’ordre du vivant  l’arbre est toujours là 
la pierre dressée   l’écoute   le sémaphore   et l’océan encore
à quelques kilomètres quelqu’un aura murmuré  :  je l’ai .je l’ai .je l’ai

Isabelle Garron
Paris - Juin 2019

Jean Daive

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