Qui suis-je ?
à Franck Yeznikian
1.
sous la dictée passent des protagonistes le souffle lent
ils miment leurs aventures de même le fait que tu prétendes
entrevoir ce risque du corps musical et dénué
tu le sais il est des cordes sur l’océan elles suintent
les formes de l’air lorsque cela se peut l’annonce d’une apparition
l’annonce d’une disparition
puissent ta légèreté l’avènement des mots
éclore dans tes yeux et le refus des défilés celui des jambes dures
car oui c’est se rendre à la syllabe près
2.
or ce n’est point de l’habileté
tu l’auras écrit c’est un risque comme ce peut être
un geste qui fait trace
un geste ancien un signe neuf
de l’idéation le soleil très haut puis
dedans un récit de sous-bois
un récit verdoie dans la trame inscrit notre avancée
il fait distance et date pendant que tu narres laisse
à ma portée le camphre d’un nom
3.
le nom est chanté il perce et ainsi faire ce nommer c’est ouvrir
la séquence peu lisible pour commencer d’une danse animale à deux êtres
conduite par l’instrument
dont une mesure seule peut signifier l’alliance elle peut autrement
décider du temps du temps nu de ce temps unique à la formulation nue
c’est vrai : nous nous sommes si peu parlés
ce soir tu regardes les enveloppes d’Emily D. leur rien phénoménal
elles rappellent votre phrasé et je les serre avec l’entorse d’une main
la minceur d’un poème qui s’humecte avant de se clore
4.
votre écoute parmi les fougères et le vert des grands arbres
sur le chemin de moyenne montagne l’enfant dans les pas de l’adulte
ne sait formuler la direction d’ensemble
l’excès ainsi tenu secret dans la marche le sera par la couleur
tu touches le caressant un jaune pissenlit un rouge de terre cuite
un vert précis dans la gamme et l’image d’une mare
le bleu TW le vert Joan Mitchell celui des toiles du début
mêlé au rose de la fin aux vibrations entendues des grands panneaux
des rotations de mémoire le mauve repris dans la partition du parc
dehors reste la forge ailleurs des improvisations ont lieu
parfois dans des maisons où la ville penche près des sources
celles que votre corps longe avec affinité
5.
j’admire la ligne de vous-même ce trois temps et l’imminente poussée
d’un déhanchement votre bras tatoué d’idéogrammes tenant trois coquelicots
dont il faut relire en marge les points de chorégraphie
dans la veille des silences à votre écoute je cherche un ton
une forme de nid qui ne ressemble à rien avant de parvenir au mot
rien : ne peut se faire sans vous c’est un chant
c’est de l’ordre du vivant l’arbre est toujours là
la pierre dressée l’écoute le sémaphore et l’océan encore
à quelques kilomètres quelqu’un aura murmuré : je l’ai .je l’ai .je l’ai
Isabelle Garron
Paris - Juin 2019
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