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L'éventail d'Yves Peyré

 Une œuvre, de grand empan. Yves Peyré est l’auteur de poèmes, de récits, d’essais. Plus de vingt. Il a dirigé la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet. Il est maintenant à la tête de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, dont il a suivi la résurrection de la façade qui, souvent décriée, reprend sens dans le dialogue, pensé par l’architecte Henri Labrouste, entre l’intérieur et l’extérieur. « Le dialogue par le livre » ce fut, en 2000, le titre d’un ouvrage sur la rencontre entre la peinture et la poésie. Fautrier, à qui Yves Peyré a consacré une monographie essentielle, a pensé pendant des années un dialogue avec Dante. C’est de cette rencontre espérée et avortée que nous avons à présent l’analyse minutieuse : un livre qui vise et atteint le mouvement créatif du peintre.
Yves Peyré
Plis et déplis (Pagine)
Yves Peyré
Le rétablissement d'une architecture. Hommage à Labrouste (Bibliothèque Sainte-Geneviève)
Yves Peyré
La Bibliothèque Sainte-Geneviève (Gallimard (Découvertes))
Yves Peyré
L'Enfer de Fautrier (Pagine)
 Une œuvre, de grand empan. Yves Peyré est l’auteur de poèmes, de récits, d’essais. Plus de vingt. Il a dirigé la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet. Il est maintenant à la tête de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, dont il a suivi la résurrection de la façade qui, souvent décriée, reprend sens dans le dialogue, pensé par l’architecte Henri Labrouste, entre l’intérieur et l’extérieur. « Le dialogue par le livre » ce fut, en 2000, le titre d’un ouvrage sur la rencontre entre la peinture et la poésie. Fautrier, à qui Yves Peyré a consacré une monographie essentielle, a pensé pendant des années un dialogue avec Dante. C’est de cette rencontre espérée et avortée que nous avons à présent l’analyse minutieuse : un livre qui vise et atteint le mouvement créatif du peintre.

L’éventail, ensemble mobile de plis, apparaît dans le dernier ouvrage de Peyré unissant « Mallarmé ou la physique du livre : pli selon pli » et « Michaux ou l’approche mystique : la vie dans les plis ». La somme de ces plis ouvrant à l’œuvre : « Ce pli de sombre dentelle qui retient l’infini, tissé par mille, chacun selon le fil ou prolongement ignoré son secret, ensemble des entrelacs distants où dort un luxe à inventorier, stryge, nœud, feuillages et présenter. » Comme écrivait Mallarmé.

L’empan est une mesure donnée par la main et aussi le travail du tissu. Lire l’architecture, la poésie, la peinture c’est suivre des « entrelacs  distants ». Pour, à la fin, « présenter ». Yves Peyré suit les images peintes par Fautrier pour s’entrelacer avec Dante. Chez ce « terrassier du dedans », il note que « le mot Enfer fut le pivot de tous les désirs ». Il s’y agrippe quand il le rencontre, fût-ce dans la venelle joignant, sans y paraître, la rue Campagne-Première au boulevard Raspail, le Passage d’Enfer.

Et, sensible aussi à toutes les ambivalences de l’Enfer auxquelles est attaché Baudelaire dans le dédoublement de la femme en beauté et en charogne.

Chez Fautrier, comme chez Baudelaire, se rencontrent, se confondent des plis que le peintre enterre et déterre : paysages, objets, tout ce qui est nommé « otages », et nus. La Femme, « dans le frôlement de sa mort argumentant avec la soif de son désir, est omniprésente. D’une ambiguïté, que le commentaire écrit peut rendre évidente :  « La femme tenue dans son épaisseur et la beauté excédante de sa blessure. »

Rimbaud lui offre le mot « Enfer ». Fautrier y trouve l’illumination de sa propre vie.

Sa recherche de l’absolu lui fait accepter l’offre de Malraux de réaliser, dans une collection dont Gallimard lui a confié la charge, un dialogue avec l’Enfer de Dante.

Fautrier compose un dialogue avec les 34 chants du poème. Il passe de l’eau-forte à la lithographie. Un « magma », juge Gallimard insensible aux opacités, aux violences de ces œuvres. Le livre n’a donc pas été réalisé. Le dialogue n’a pas eu lieu. Restent, reproduites ici au mieux, les 34 planches. Presque toutes appartiennent à la famille de Malraux.

Nous les avons sous les yeux. Outre la documentation et les analyses d’Yves Peyré, un autre pli, sa réponse, en poète, aux Port-Cros de Fautrier :

« Dans le vent (…)
parfois,
tout est plus sombre et s’éprend du pire,
l’impénétrable oscille. »

Georges Raillard

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