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Les frères van Velde

    En 1948, Derrière le Miroir, la belle revue de la Galerie Maeght publiait un numéro double. Toute la couverture est tenue par une grande composition graphique inspirée du cubisme. En dessous, deux noms, Bram et Geer van Velde.

EXPOSITION
BRAM ET GEER VAN VELDE
DEUX PEINTRES/UN NOM
Musée des Beaux-Arts de Lyon
du 16 avril 2010 au 19 juillet 2010

CATALOGUE
sous la direction de Rainer Mason et Sylvie Ramond
Hazan, 360 p., 330 ill., 42 €

    En 1948, Derrière le Miroir, la belle revue de la Galerie Maeght publiait un numéro double. Toute la couverture est tenue par une grande composition graphique inspirée du cubisme. En dessous, deux noms, Bram et Geer van Velde.

La composition est évidemment de Geer van Velde (Gherardus, né en 1898) et non de son frère Bram (Abraham, né en 1895). Risque de confusion. Accru par le texte fameux publié dans la revue : Peintres de l’empêchement. Unis par le pluriel, les deux frères van Velde. Samuel Beckett les unit encore dans une formule telle que celle-ci : « Je suggère que la peinture des van Velde est une assurance que la peinture de l’École de Paris (et l’heure de Greenwich) est encore jeune et qu’un bel avenir lui est promis. » Voire.

Mais l’écrivain, ami des deux frères, ajoutait : « une assurance, une double assurance, car le même deuil les mène loin de l’autre, le deuil de l’objet ».

L’exposition de Lyon confronte les œuvres des deux frères. Sauf en leurs débuts, elles ne se ressemblent pas. J’ai connu l’une avant l’autre, Bram avant Geer. J’ai été saisi par les couleurs, les coulures, les arrière-fonds indicibles, la violence retenue de l’œuvre de Bram. Je le voyais en abondance dans des expositions, ou chez des amis qui ont beaucoup fait pour la notoriété de Bram van Velde.

Geer, je ne l’ai vraiment découvert, dans son ampleur, – intelligence, sensibilité, la peinture même – que lors de la vaste exposition rétrospective organisée en 1982 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris : « Geer van Velde, peintures et œuvres sur papier ». Et, la même année, une exposition à la galerie Carré, suivie, dans la même galerie d’une autre exposition de peintures de Geer van Velde en 1989.

On se permettra ici un retour personnel sur mes relations depuis lors avec l’œuvre de Geer van Velde. Au moment où j’écris ces lignes, j’ai sous mes yeux trois tableaux de Geer. (Je pense à ce qu’écrivait Beckett dans son texte célèbre : « Voilà ce à quoi il faut s’attendre quand on se laisse couillonner à écrire sur la peinture. À moins d’être un critique d’art. ») Ces tableaux m’accompagnent, leur vie est associée à la mienne.

Je rappelle ici ce qui est pour moi plus qu’une anecdote. Les deux frères peintres avaient une sœur, Jakoba. Écrivain, elle avait été éditée par Maurice Nadeau. Élisabeth, veuve de Geer, lisait assidûment La Quinzaine. À plus de cent ans elle renouvela son abonnement. J’avais reçu quelques années plus tôt une lettre d’elle qui m’avait surpris. Elle me lisait. Et alla droit au but : « accepteriez-vous de faire un texte de catalogue pour une exposition Geer van Velde, mon mari, je pense qu’il n’est pas un inconnu pour vous ».

Depuis lors, depuis ma préface Devant Geer van Velde, depuis un compte-rendu, ici même, de l’exposition Geer van Velde, superbe, au musée de Colmar, nos relations se firent toujours plus étroites. Peu de dimanches que nous ne passions, Élisabeth, Alice et moi, sans parloter, le verre à la main, jusqu’à l’aube, dans la pièce qui avait été l’atelier de Geer van Velde, à Cachan d’où, jeunes artistes impécunieux, ils allaient à pied jusqu’à Montparnasse.

Je l’ai déjà dit. J’écris ces lignes face à trois œuvres de Geer que je dois à l’amitié d’Élisabeth van Velde. Elle a cent deux ans. Je l’ai appelée aujourd’hui. Elle dormait. Je la rappellerai demain. Je la sais toujours inépuisable sur ce qu’a été sa vie, avec Geer, avec Bram, avec Sam, le médiateur.

Allez à Lyon voir l’exposition, sinon la confrontation des deux frères van Velde.

Georges Raillard

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