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Édito

Article publié dans le n°1221 (05 nov. 2019) de Quinzaines

« Le ciel et la terre, les dieux et les hommes sont unis ensemble par l’amitié, la règle, la tempérance et la justice, et c’est pour cela, mon camarade, qu’ils donnent à tout cet univer...

« Le ciel et la terre, les dieux et les hommes sont unis ensemble par l’amitié, la règle, la tempérance et la justice, et c’est pour cela, mon camarade, qu’ils donnent à tout cet univers le nom de cosmos, d’arrangement [...]. » Ainsi Platon faisait-il parler Socrate dans le Gorgias. Mais en ces temps qui sont les nôtres, l’univers forme-t-il toujours une communauté vertueuse ?

Le climat est aujourd’hui un sujet brûlant, pourrait-on dire, si l’on voulait faire de l’humour. Il est même devenu un enjeu politique – voilà qui montre combien notre rapport à la donnée climatique a évolué. Et, de fait, aucun sujet ne porte en germe autant de menaces pour les relations entre les régions du globe, les groupes sociaux, les générations.

Premier historien du climat, Emmanuel Le Roy Ladurie a publié en 1967 une Histoire du climat depuis l’an mil en deux volumes, complétés en 2004 par une Histoire humaine et comparée du climat en Occident, dont le troisième tome (2009) est plus spécifiquement consacré à la période contemporaine. Jusqu’alors, les chercheurs n’avaient pas eu l’idée d’étudier l’histoire des aléas climatiques, qui ne leur semblait guère pouvoir être corrélée à celle de l’homme tout-puissant, explique Le Roy Ladurie. Mais grâce à lui, nous disposons de tous les éléments utiles à une mise en perspective sur le temps long. Prenons donc un peu d’altitude et considérons la chronologie des fluctuations climatiques depuis le début du deuxième millénaire...

Du IXe au XIIIe siècle, la température moyenne du globe était légèrement plus chaude que celle des sept siècles précédents. On peut supposer que cette relative tiédeur a eu une incidence favorable sur la civilisation. Le XIVe siècle se distingue par le retour de la fraîcheur, c’est le « petit âge glaciaire ». Lui succède un léger réchauffement, qui se prolonge sur tout le XVe siècle. À partir de la fin du XVIe siècle, c’est le « second petit âge glaciaire » : les glaciers sont nettement plus importants, et la température moyenne un peu plus basse. Un réchauffement très lent est observable à partir de 1855, avec le recul des glaciers alpins, qui devient plus évident à partir des années 1930. Rien que de très cyclique, pourrait-on penser. Même s’il fluctue, le climat du deuxième millénaire n’est pas très différent de celui des deux précédents. Néanmoins, Le Roy Ladurie met en évidence une particularité qui a de quoi surprendre : si les variations se comptaient autrefois en dixièmes de degré, la montée actuelle se mesure en degrés. De fait, il ne s’agit pas d’une fluctuation mais d’un emballement, qui nous fait changer d’ère. L’hypothèse d’une modification anthropique, amorcée par la révolution industrielle (au XIXe siècle) et s’amplifiant depuis lors, reste la plus vraisemblable.

Et, en effet, point n’est besoin d’être grand clerc pour remarquer que notre façon d’habiter le monde devient nuisible à nos propres intérêts. Si la question climatique était la seule source du malaise, peut-être pourrions-nous l’affronter dans un relatif consensus. Mais le péril est multiforme. On essaiera d’en donner quelques éclairages dans les pages qui vont suivre : avec Yann Arthus-Bertrand et Aurélien Barrau, on cherchera à comprendre ce qui dégrade l’harmonie planétaire, tandis que Marie Gué et Valérie Rossignol nous feront entrevoir comment la littérature saisit cette grande inquiétude contemporaine.

Patricia De Pas

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