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Etant donné trois mille tableaux

Massif, élégant, l’ouvrage réussi réunit les 3 000 tableaux accrochés sur les cimaises du musée du Louvre. Il est un excellent instrument de travail. Ce beau catalogue apporte l’érudition et la facilité d’utilisation. Il s’adresse aux professionnels, aux étudiants, aux touristes. La maquette est claire. Chaque page est différente et réjouit.

ERICH LESSING et VINCENT POMADÈRE

LE LOUVRE

Toutes les peintures

Flammarion-Skira/Louvre, 784 p., 3000 ill. coul., 52 €

Massif, élégant, l’ouvrage réussi réunit les 3 000 tableaux accrochés sur les cimaises du musée du Louvre. Il est un excellent instrument de travail. Ce beau catalogue apporte l’érudition et la facilité d’utilisation. Il s’adresse aux professionnels, aux étudiants, aux touristes. La maquette est claire. Chaque page est différente et réjouit.

Remarquable professionnel, Erich Lessing photographie les œuvres d’art en Europe depuis plus de cinquante ans. Il a rassemblé ses photos (plus de 20 000 diapositives couleur grand format). Les textes sont de Vincent Pomarède, conservateur en chef du département des Peintures du musée du Louvre (depuis 2003). Les œuvres sont organisées par écoles (l’école italienne, les écoles du Nord, l’école française, l’école espagnole).

Aujourd’hui, les musées connaissent un engouement puissant. Au seul musée du Louvre viennent huit millions neuf cent mille visiteurs par an.

Actuellement, le département des Peintures du Louvre est responsable de cette « collection nationale française » : 11 000 tableaux ; plus de 5 000 tableaux sont déposés dans les musées en région et autant sont conservés dans l’enceinte même du palais du Louvre (où ils sont exposés à soixante-cinq pour cent)… Les œuvres favorisent « l’étude, l’éducation et la délectation ».

Tu apprends, par exemple, que l’art espagnol n’avait presque pas été représenté (jusqu’au premier tiers du XIXe siècle) dans les collections royales. Seulement sept tableaux espagnols étaient inventoriés en 1793 : un Vélasquez, deux peintures religieuses de Murillo. Il y aurait eu une réelle méconnaissance de la peinture hispanique et l’incompréhension d’une peinture souvent brutale et dramatique… À partir de 1835, Louis-Philippe achète en Espagne plus de 450 tableaux, acquis sur les crédits dits « de la liste civile » ; le 7 janvier 1838, la collection du roi est ouverte au public ; et bien des réactions sont très critiques « parce qu’il n’y avait plus de Pyrénées pour les croûtes ». Après la révolution de 1848 et la chute de Louis-Philippe, le nouveau gouvernement républicain rend au roi exilé les biens acquis « selon les crédits de la liste civile », dont (en partie) les œuvres espagnoles. En 1835, en Angleterre, l’ensemble de ces tableaux est dispersé lors des ventes par les héritiers de Louis-Philippe. Au milieu du XIXe siècle, la collection espagnole était donc redevenue aussi pauvre que durant les années révolutionnaires. Heureusement, le travail des conservateurs et la générosité de certains collectionneurs permettent de combler progressivement cette gênante lacune. Parallè­lement, les intellectuels et les artistes admirent alors la culture espagnole : entre autres, Hugo, Mérimée, Delacroix, Manet… Tout au long du XXe siècle, des œuvres espagnoles sont acquises au Louvre par des achats, des legs, des donations, des dations. Actuellement, le Louvre se tourne vers les « écoles » du Portugal et de l’Amérique du Sud.

Au Louvre, l’école italienne et l’école française demeurent prédominantes. Mais les écoles flamande et hollandaise, les écoles anglaise, allemande, danoise ont créé des toiles essentielles. La célèbre galerie dite « Médicis » serait une « saga » exaltée, dédiée à la gloire d’Henri IV et de son épouse. Un engouement est lent et progressif. Au XVIIIe siècle, les artistes et les amateurs admirent souvent le réalisme et la virtuosité des peintures flamandes et hollandaises. Pendant la Révolution, les saisies des biens du clergé et des nobles émigrés vont enrichir le Louvre : des peintures de Rembrandt, de Rubens, de Bloemaert, de Ter Borch… Par les conquêtes militaires et les saisies, entrent au Louvre (sous l’impulsion de Dominique-Vivant Denon, devenu le directeur du musée Napoléon) les « primitifs » flamands, L’Annonciation de Rogier Van der Weyden, La Vierge et l’enfant au chancelier Rolin de Jan Van Eyck, Le Prêteur et sa femme de Metsys… Des amateurs passionnés redécouvrent Vermeer. De génération en génération, les conservateurs rééquilibrent les écoles du Nord par rapport aux Italiens et aux Français… Tout au long du XIXe siècle, les écrivains aiment les peintures « du Nord ». Théophile Gautier commente La Kermesse de Rubens. Dans L’Assommoir de Zola, une noce regarde des œuvres de Rubens ; « les dames poussèrent de petits cris, puis, elles se détournèrent, très rouges ». Et, en 1870, Jules Verne place des toiles de Rubens, de Holbein, de Metsu, de Paul Potter parmi les tableaux embarqués sur le Nautilus par le capitaine Nemo.

Et, à toutes les époques, les philosophes (par exemple Friedrich Schlegel), les écrivains (Stendhal, Zola…), les musiciens (Félix Mendelssohn), les peintres sont émus devant les tableaux italiens. Colbert écrit des directives : « Comme je suis toujours dans la résolution d’avoir en France ce qu’il y a de plus beau en Italie, continuez à observer avec soin ce que vous croirez digne de nous être envoyé. »

Un DVD-ROM (inclus) contient tous les tableaux présentés dans le livre.

Sur la couverture de l’ouvrage, tu contemples un œil de Joconde. Mona Lisa rêve et sourit ; elle garde son secret.

Gilbert Lascault

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