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Hiératiques et sereines, les statues du pays Dogon…

Article publié dans le n°1038 (16 mai 2011) de Quinzaines

 Au musée du quai Branly, une très importante exposition, bien construite, intelligente, présente plus de 300 œuvres des Dogon (1) : 133 statues exceptionnelles, 35 masques, une vingtaine de peintures rupestres (fragmentaires), 140 objets qui évoquent le mythe de l’origine du monde (poulies, volets de greniers, serrures, coupes, autels, appuie-têtes, éléments d’architectures, bijoux…).

EXPOSITION
DOGON
Musée du quai Branly
27-37, quai Branly, 75007 Paris
5 avril – 24 juillet 2011


PUBLICATIONS
HÉLÈNE LELOUP (dir.)
DOGON
catalogue de l’exposition
Somogy/musée du quai Branly, 716 p., 380 ill., 39 €


AURÉLIEN GABORIT
EN PAYS DOGON
catalogue de l’exposition
Gallimard, hors-série « Découvertes », 8 modules
dépliants, 48 p., 8,40 €

 Au musée du quai Branly, une très importante exposition, bien construite, intelligente, présente plus de 300 œuvres des Dogon (1) : 133 statues exceptionnelles, 35 masques, une vingtaine de peintures rupestres (fragmentaires), 140 objets qui évoquent le mythe de l’origine du monde (poulies, volets de greniers, serrures, coupes, autels, appuie-têtes, éléments d’architectures, bijoux…).

Hiératiques, sévères, dépouillées, sobres, élégantes, harmonieuses, les statues puissantes du pays dogon se dressent. Surgissent les cavaliers, les grandes figures sereines (masculines, féminines ou hermaphrodites), la mère tendre et courageuse avec son fils, une femme qui tient une cuiller, celle qui utilise son pilon, deux musiciens qui jouent du balafon, les personnages aux bras levés (qui implorent le grand dieu Amma pour obtenir la pluie et la fécondité), les couples, les figures assises avec leurs mains qui couvrent leurs visages, les porteuses d’eau, une maternité avec deux jumeaux…

Commissaire de l’exposition, Hélène Leloup, grand spécialiste de l’art dogon, expert raffiné, a sélectionné de superbes œuvres choisies dans des galeries et des musées internationaux. Grande voyageuse en Afrique et en Océanie, elle a créé (à partir de 1956) des galeries à Paris et à New York ; elle a publié bien des livres et des catalogues. Elle revient régulièrement en pays dogon ; elle écoute les paroles des Dogon. Elle étudie les styles différents des Dogon, les lieux, les villages où les œuvres ont été trouvées, parfois longuement dissimulées.

Dans le pays dogon, des peuples autonomes sont déjà présents au Xe siècle : les Tombo (redoutables guerriers), les Tellem (qu’on a appelé « nous les avons trouvés ») et les Niongom. Puis, des groupes humains viennent par des migrations successives : les Djennenké (les gens de Djenné), les Dogon-Mandé, les habitants de Tintam, ceux du Bombou-Toro, ceux du Kambari, ceux du Komakan… Hélène Leloup précise leurs styles particuliers. Elle note la chevelure d’une sculpture, sa barbe, sa parure, ses bijoux, ses scarifications (au niveau des tempes ou des balafres en biais). Elle met en évidence certains artistes reconnaissables : par exemple le « Maître des yeux obliques » (XVIe-XVIIIe siècle).

Pour dater les statues, une collaboration (2003-2006) entre le musée du quai Branly et le laboratoire du centre de recherche et de restauration des musées de France permet les analyses des patines de ces sculptures. Par la datation au carbone 14, telles figures sont antérieures au XVe siècle ; l’une aurait été sculptée au Xe siècle. Bien des patines contiennent du sang, du mil, des acides gras (peut-être du beurre de karité), du quartz, des décompositions de débris végétaux, d’insectes… Certaines patines présentent une surface grenue ; d’autres ont une craquelure plane et régulière ; quelques-unes une craquelure aux reliefs irréguliers ; d’autres encore…

Ou bien, dans cette exposition du musée du quai Branly, les masques des Dogon se situent un peu loin des 133 grandes statues. Apparaissent le masque « oiseau picoreur », le masque « rhinocéros », le masque « crocodile », le masque « maison à étages » (qui est haut de 520 cm), le masque « singe blanc », le masque (et la poitrine postiche) de « jeune fille », le masque « antilope », le masque « kanaga » (en forme de croix de Lorraine)… Dans cette section de l’exposition, on voit un montage de 35 minutes du film (1974) de Jean Rouch.

Michel Leiris (L’Afrique fantôme, 1934) décrit les danses des masques. Des adolescents masqués en « jeunes filles » dansent « en mouvements lascifs, torsion du buste et du bas-ventre »… « Mais la danse du masque à étages est admirable. Le danseur marche d’abord en faisant onduler sa coiffure, ainsi qu’un long serpent dressé. (…) D’un mouvement lent, le grand masque incline sa construction, de manière que sa cime vienne toucher le sol, puis il recule, traînant ce mât doucement. »

Et Marcel Griaule (Masques dogons, 1938) cite les encouragements adressés à celui qui danse avec son masque de gazelle : « Salut ! chèvre de brousse / Les tambours battent, battent bien / Tous les hommes ont les yeux sur toi / les jeunes femmes ont les yeux sur toi. » Un chant s’adresse à la jeune fille : « Salut ! jeune fille / tous les enfants ont les yeux sur toi / Tous tes amants ont les yeux sur toi / Tu as une belle chair / Tu as de belles jambes agiles / Tu as de beaux bras. »

1. Le pays dogon est situé au centre-est de la république du Mali.

Gilbert Lascault

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