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L'homme qui avance devant lui

Article publié dans le n°1023 (01 oct. 2010) de Quinzaines

 Avec ses 15 publications de poésie, ses 4 pièces de théâtre, ses 16 essais, ses 22 traductions, les 66 numéros de sa revue de poésie In’hui, ses articles en revues et dans les journaux, Jacques Darras fait figure d’infatigable marcheur.
Jacques Darras
La reconquête du tombeau d'Emile Verhaeren (Le Cri)
Jacques Darras
La conjugaison de places amoureuses (Editions de Corlevour)
Jacques Darras
Jacques Darras, poète de la fluidité (Le Cri)
Jacques Darras
A ciel ouvert. Entretiens avec Yvon Le Men (La Passe du vent)
 Avec ses 15 publications de poésie, ses 4 pièces de théâtre, ses 16 essais, ses 22 traductions, les 66 numéros de sa revue de poésie In’hui, ses articles en revues et dans les journaux, Jacques Darras fait figure d’infatigable marcheur.

Il marche comme il écrit ou c’est l’inverse, il arpente, il ressent, il transcrit, infatigablement, comme un fleuve s’écoule, d’ailleurs il aime l’eau mais celle qui est au nord, la Picardie d’abord, et la Belgique, mais aussi l’Angleterre et ses prolongements étasuniens.

Sa vue est large comme son pas, il embrasse hardiment les lointains qui se situent par là, les pensées différentes de celles qui se professent, il revendique ses écarts, sa marginalité. C’est un homme de colère, mais souriant, voire rieur, il a le goût de vivre, de penser et d’écrire, tout cela en même temps, ce qui donne l’impression qu’il a grand appétit, et même qu’il est un ogre, comme en témoignent ses quatre derniers livres.

La Reconquête du tombeau d’Émile Verhaeren, poème dialogué et théâtralisé illustré de deux gouaches (car il peint, un peu plus nous allions l’oublier !) qui contient un fragment de La Maye (son poème au long cours commencé en 1988, des « Cantos » personnels et pourtant non poundiens, plutôt patersoniens ou witmaniens (1) ; La Conjugaison de places amoureuses, où « les humains sautent à genou plié, humblement vacillant en direction du ciel » ; des Actes d’un colloque qui lui fut consacré à Nice en 2008 par Béatrice Bonhomme ; enfin des entretiens avec Yvon Le Men, À Ciel ouvert, où il évoque, entre autres multiples sujets, ses principes poétiques : son goût pour les romans médiévaux (Chrétien de Troyes, poésie conquérante s’il en fut) : pour la science, et la connaissance en général, car « la poésie est précise », elle se fait pour lui épopée du savoir, de son savoir, son existence ; pour les formes poétiques qu’il veut pratiquer toutes, et notamment l’octosyllabe ; pour La Fontaine contre Rimbaud ; pour la philosophie et en particulier celle de Descartes ; pour la nature en général et celle de son enfance ; pour la mer, le voyage. « Il faut faire le voyage. Le voyage de l’étrangeté. L’étrangeté en nous-même. »

Puisque pour lui le temps n’est pas chronologique, linéaire, successif mais fait d’instants qui sont contemporains les uns des autres, en quelque sorte au côte à côte, Jacques Darras se veut un homme qui « avance devant lui comme Perceval sur son cheval », un chevalier d’un autrefois médiéval et d’un présent du Middle West. Du héros gallois au cow-boy, n’y aurait-il qu’un seul (grand) pas ?

1. Ezra Pound, auteur des Cantos, William Carlos Williams, auteur de Paterson, « modèle suprême en vérité », et Walt Whitman, dont il a traduit Feuilles d’herbe, sont pour Jacques Darras de grandes références.

Marie Etienne

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