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L’exposition intéressante du musée du quai Branly, Maya : de l’aube au crépuscule, rassemble 160 œuvres qui viennent des collections nationales du Guatemala.

EXPOSITION
MAYA : DE L’AUBE AU CRÉPUSCULE
Musée du quai Branly
37, quai Branly, 75007 Paris
21 juin – 2 octobre 2011
Livre-catalogue officiel
Musée du quai Branly/Somogy, 200 p., nb. ill., 29 €


CLAUDE BAUDEZ
et SYDNEY PICASSO
LES CITÉS PERDUES DES MAYAS
Gallimard, coll. « Découvertes », 176 p., nb. ill.,
13,20 €

L’exposition intéressante du musée du quai Branly, Maya : de l’aube au crépuscule, rassemble 160 œuvres qui viennent des collections nationales du Guatemala.

Se découvrent des stèles, des éléments architecturaux, un mobilier funéraire et rituel, des céramiques zoomorphes et anthropomorphes, des conques incisées, des bijoux, des lames « excentriques » en silex taillé, des haches de pierre verte et de bronze, des figurines énigmatiques, un os sculpté, une plaque de jade (qui représente le dialogue d’un roi et d’un nain), un emblème royal de coiffe en jadéite, des scènes complexes sculptées en calcaire, la sculpture d’une serpent enroulé sur lui-même (en roche volcanique)… Une jarre (250-1000 apr. J.-C.) est modelée en côtes de melon… Pour la beauté et pour l’honneur des dignitaires, les dents de leurs mâchoires ont été creusées et portent des incrustations de jade (550-800 apr. J.-C.)… La figurine (en terre cuite) d’un noble porte une coiffe empanachée (550-800 apr. J.-C.)… Le couvercle d’un grand encensoir représente un jaguar féroce (1000-1524 apr. J.-C.)… Un petit bijou est constitué par une mosaïque de coquillages ; il s’agit du dieu de la Mort, avec son visage décharné (550-800 apr. J.-C.)…

La civilisation des Mayas naît vers 1000 av. J.-C. Elle crée de nombreuses cités-États. Se révèle une succession d’effondrements, de renaissances et de nouvelles chutes. Les dynasties croissent, proposent des monuments démesurés, s’éteignent. Les cités-États se vident de leur population. Des régions qui ont été habitées pendant un millénaire voient les habitants partir pour ne plus revenir. Cette impossibilité de toute réinstallation serait, peut-être, liée à la dégradation de l’environnement. 

En 150 apr. J.-C., les cités s’effondrent, puis en 200, d’autres cités se développent. Du Ve au IXe siècle, c’est l’apogée de la civilisation en particulier à Tikal, Copan, Palenque, Calakmul. Au VIIIe siècle : des guerres. De 760 à 910, quatre grandes vagues de sécheresse frappent de vastes zones. Au IXe siècle, des cités s’écroulent. Du XIe au XIIe siècle, la civilisation trouve une renaissance dans le Yucatán (Mexique). Au XVIe siècle, des maladies importées d’Europe déciment les Mayas et favorisent la conquête espagnole. En 1697, c’est la chute du dernier royaume maya. 

À travers les siècles, les conquistadores, les missionnaires, les aventuriers, les dessinateurs, les photographes, les curieux, les explorateurs, les archéologues cherchent les cités perdues et les observent. Ils découvrent de gigantesques pyramides dans la forêt, les temples envahis par la végétation incontrôlée, les blocs de calcaire sculptés que les racines des arbres centenaires culbutent. 

Jadis, les cités-États étaient riches. Elles possédaient l’obsidienne, le jade, le jaspe, le cuivre, les superbes plumes vertes de quetzal, le cacao, le maïs, les courges, les palmiers, le coton, etc. Les Mayas étaient alors agriculteurs, commerçants. 

Pourquoi et comment cette civilisation s’est-elle successivement effondrée ? Chaque cité-État à vécu une agonie distincte. Ici, la guerre a été prépondérante. Là, une forte baisse des rendements agricoles a d’abord joué un grand rôle. Ailleurs, le détournement des voies commerciales a pu, peut-être, avoir son importance. Ou bien, le statut d’un roi a pu être remis en cause… Dans les différentes régions, les changements s’étalent sur près de trois siècles. Selon les chercheurs contemporains, les causes proposées naguère de la chute seraient exclues : les épidémies, les séismes, les cyclones, les révoltes paysannes, une invasion étrangère. Apparaissent (aux VIIIe et IXe siècles) les problèmes d’une croissance démographique, de rivalités grandissantes entre cités-États, de dégâts causés à l’environnement, de sécheresses répétées, de concurrence avec des sociétés extérieures au monde maya. Dans telle cité, sa population a démantelé une grande partie de ses propres temples et palais dans une tentative désespérée d’ériger des remparts de pierre ; puis la cité est finalement détruite. Dans une autre ville, un port florissant, le roi, la reine, plus de trente nobles sont assassinés dans un grand rituel ; puis leurs corps sont déposés dans une citerne sacrée… 

Pendant très longtemps, les chercheurs considéraient les Mayas comme pacifiques, dominés par les prêtres. Actuellement, on conçoit la guerre maya comme une succession de conflits. Les armes comprennent les lances, les couteaux, les haches, les lames d’obsidienne, les flèches, les boucliers, les armures, les canoës. Les Mayas construisent les barricades, les grandes murailles, les fossés, les terre-pleins ; ils utilisent les plantes épineuses, les zones marécageuses. Et des stèles représentent des scènes de victoires et de captures dans des « impasses de la mort ». À certains moments, ils détruisent les villages. Et, plus tard, les Mayas sont confrontés aux armes nouvelles des forces espagnoles et à leurs tactiques. 

Depuis le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui les spécialistes étudient l’iconographie du monde maya ancien et sa mythologie. Souvent, ils dessinent des scènes sculptées et peintes. Apparaissent le dieu du vent et de la musique, le dieu de l’alcool, le dieu du maïs (dans la position contorsionnée de l’Arbre cosmique), le dieu du soleil, les volutes de sang. Le toit d’un bâtiment est orné de jaguars qui boivent le sang. Les motifs de ces volutes et des crânes signifieraient les lieux de sacrifices… Et, peu à peu, les chercheurs lisent l’arithmétique des Mayas, leurs calendriers, l’histoire des dynasties, les récits. 

Aujourd’hui, les communautés mayas représentent 55 % de la population guatémaltèque. Les Mayas continuent des tissages aux couleurs vives ; ils choisissent les dessins abstraits, zoomorphes et anthropomorphes, transmis de génération en génération ; ils représentent le « serpent à plumes » et les étoiles du ciel. Ils culti­vent les différentes variétés de maïs : le maïs jaune, le maïs blanc, le maïs rouge, le maïs noir. Le « maïs sacré » nourrit ; il possède des propriétés curatives et spirituelles. Selon le Popol Vuh, les premiers pères et mères ont été façonnés dans de la pâte de maïs… Au Guatemala, vingt-deux langues mayas, très diverses, sont utilisées. Des films montrent les fêtes des Mayas, leurs danses traditionnelles, leurs marchés. Après la guerre civile (1960-1996) du Guatemala, la culture maya résiste et refleurit.

Gilbert Lascault