Juan Gelman, né en 1930 à Buenos Aires et disparu en janvier 2014 à Mexico, était une des plus grandes voix de la poésie argentine. Son écriture est profondément marquée par les atrocités de la dictature ; il y a perdu beaucoup de ses amis. Son fils et sa belle-fille furent assassinés par les militaires. Leur enfant, Macarena, née pendant la captivité de sa mère, fut retrouvée par Gelman vingt-trois ans plus tard. En 2007, il reçoit le prix Cervantes. C’est en 1982 que les lecteurs français commencent à découvrir sa poésie dans la revue Caractères, dirigée par Bruno Durocher et Nicole Gdalia ; puis, plus récemment, et de manière plus suivie, aux éditions Caractères encore, grâce aux traductions de Jean Portante et de Jacques Ancet (1). En 2014, les éditions Gallimard publient Vers le Sud, recueil présenté et traduit par Jacques Ancet, qui a bien voulu répondre à nos questions pour nous guider, selon l’expression de Julio Cortázar, « aux côtés de Juan pour ce qui nous reste de voix et de vie » (2).
Ariel Spiegler : Quelle est, d’après vous, la spécificité de l’œuvre de Gelman dans la poésie contemporaine ?
Jacques Ancet : Gelman s’inscrit dans la tradition de la rupture (avec la poésie comme haut langage, avec le sens) qui caractérise la poésie hispano-américaine de la première moitié du XXe siècle, rupture qui s’accompagne de l’introduction dans le poème de la narrativité, du parler de la rue, de l’humour, du collage, etc. Gelman en est l’héritier – de Vallejo, surtout – mais ce qu’il apporte dans sa poésie dépasse et transfor...
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