Bonnes feuilles. Mots enfouis, mots perdus

Dans la collection des « Petits guides de la langue française », éditée par « Le Monde », va paraître, en juin 2017, « Mots, expressions et proverbes oubliés  ».

Mots, expressions et proverbes oubliés

Garnier, en partenariat avec Le Monde

À paraître le 3 juillet 2017

96 p., 6,90 €

Dans la collection des « Petits guides de la langue française », éditée par « Le Monde », va paraître, en juin 2017, « Mots, expressions et proverbes oubliés  ».

Ainsi vont les mots, ils naissent, puis vivent plus ou moins longtemps, quelques mois ou quelques siècles, traversant les décennies pour bon nombre, en s’enrichissant de sens nouveaux, puis vient le moment où ils s’endorment, sortent de l’usage, mais restent patiemment épinglés au cœur des manuscrits et des dictionnaires. […]

Une rapide radiographie des mots oubliés retenus dans cet ouvrage destiné à rendre hommage aux mots oubliés – mots dormants mais parfaits candidats à une renaissance – incite forcément l’observateur à repérer différentes catégories dans cette famille, non pas mal-aimée et rejetée, mais en retrait sensible par rapport à l’usage.

Ainsi pourrait-on distinguer tout d’abord ces mots que les linguistes appellent des « dérivés », parce qu’ils résultent le plus souvent de l’ajout d’un suffixe à un mot initial, suffixe qui, en quelque sorte, oriente le sens du mot premier tantôt en changeant sa nature grammaticale, tantôt en créant un nouveau mot de même nature grammaticale. Par exemple, en tant que nom : un « phrasier », créé à partir du mot « phrase », une « poussinée d’enfants », un « abuseur », une « garcette », ou bien un « trémoussoir », où l’on reconnaît « se trémousser », une « bronchade », etc. Plus fréquemment, le mot oublié est un verbe disparu de l’usage, mais dont on repère parfaitement le substantif dont il dérive : « abalourdir », « accourcir », « brelander », « capricer », « dédormir », « flaconner », « musiquer », « incidenter », « fantastiquer », etc. Il faut cependant le constater : le repérage du mot initial et du suffixe ne suffit pas toujours à laisser deviner le sens du mot ainsi construit : que penser, par exemple, d’« anger », « eslécher », « appéter », « commer », « désheurer », « dédormir », s’agissant pour ce dernier de l’eau ?

 
Jean Pruvost

 

MOTS

AIGUAIL n. m.
« C’est la rosée qui tombe le matin dans les bois, dans les prés et dans les campagnes sur la verdure. » (Th. Corneille)
« Ma fille, à quelle fin
Voulez-vous aujourd’hui vous lever si matin ?
Le soleil n’a pas bu l’aiguail de la prairie. »
H. de Bueil de Racan, Bergeries (cité dans Littré)

AVITAILLÉ, ÉE adj.
Bien pourvu par la nature, « bien emmanché, qui a reçu richement de la nature de quoi contenter les femmes ».
« Si était-elle bien avitaillée », F. Rabelais, Gargantua, « en parlant d’une braguette bien garnie au-dedans. » (Le Roux)

BARBACOLE n. m.
« Maître d’école ; magister de village. » (Littré)
« Humains, il vous faudrait encore à soixante ans
Renvoyer chez les barbacoles. » J. de La Fontaine, Fables, « La Querelle des Chats et des Chiens et des Souris et des Chats » (cité dans Littré).

BERNER v.
« Faire sauter quelqu’un en l’air dans une couverture. »
« La jalousie que quelques écoliers conçurent des distinctions qu’il [le troisième fils de Mancini] y avait [au collège des Jésuites], les poussa à le berner dans une couverture. » L. de Rouvroy, duc de Saint-Simon, Mémoires (cité dans Littré). Remarque : « Suétone rapporte que c’était un des plaisirs de l’empereur Othon de se faire berner. » (Furetière)

BIBUS (DE) loc. adj.
« Terme de mépris qui ne s’emploie qu’avec la préposition “de”, pour dire, qui mérite peu d’attention, qui est de nulle valeur. » (Féraud)
« Princesse, quittez donc logogriphe et rébus ; ce sont les vains efforts des esprits de bibus. »
Abbé de Chaulieu, À Mme de Conti (cité dans Littré).

BILBOQUET n. m.
« Sobriquet qu’on donne par mépris à une femme courte de taille, grosse et mal faite. »
« Et son gros bilboquet de femme. » (Caillot)
Remarque : on peut aussi l’appliquer à un homme, comme en atteste cette citation de Saint-Simon extraite de Littré : « Le duc d’Orléans, qui se prenait assez aux figures, me répondait sans cesse : “Mais on se moquera de nous avec ce bilboquet [la Vrillière], nain grosset, monté sur de hauts talons.” »

BOUST BOU BOU n. m.
« Onomatopée imitant le bruit du canon. »
« Les pièces d’artillerie avec leur boust bou bou. » M. Cocaié, Histoire maccaronique (cité dans La Curne de Sainte-Palaye).

BRELANDIER, IÈRE n. m. et n. f.
« Terme injurieux qui se dit d’un homme et d’une femme, qui jouent continuellement aux cartes. » (Féraud)
« C’est un sale et indigne métier que de tromper ; mais c’est un métier pratiqué de tout temps par ce genre d’hommes que j’appelle des brelandiers. » J. de La Bruyère, Les Caractères (cité dans Littré).

CALAMISTRER v.
« Friser, poudrer. Il est familier. » « Mettre en boucles, en parlant des cheveux. » (Académie, 1762)
« Dans vos réduits où tout est peigné, ajusté, arrangé, calamistré. » D. Diderot, Lettre à Mme Riccoboni (cité dans Littré).

CALIBISTRI ou CALIBISTRIS n. m.
Organes génitaux masculins ou féminins.
« Le centre de l’amour ou la nature d’une femme, le temple de Vénus » (Le Roux) ou, plus généralement, « la partie naturelle de l’homme et de la femme ». (La Curne de Sainte-Palaye)
« Je vois que les calibistris des femmes sont à meilleur marché en ce pays que les pierres. »
F. Rabelais, Pantagruel (cité dans Le Roux).

COIEMENT ou COYEMENT adv.
« Doucement, sans bruit. » (La Curne de Sainte-Palaye)
« D’une manière coye et tranquille. »
« Il faut, quand on a pris médecine, se tenir chaudement et coyement. » (Furetière)
« Je reculerai d’un autre [pas] ; du second au tiers, du tiers au quart, si coiement qu’il me faudra être aveugle formé, avant que je sente la décadence et vieillesse de ma vue. » M. de Montaigne, Essais (cité dans Huguet).

CUCENDRON n. m. et n. f.
« Enfant, personne malpropre. »
« Lorsqu’elle avait fait son ouvrage, elle s’allait mettre en un coin de la cheminée et s’asseoir dans les cendres ; ce qui faisait qu’on l’appelait communément cucendron. » Ch. Perrault, Cendrillon (cité dans Littré).

ENGANTER v.
Enganter quelqu’un, « le prendre comme un gant, le faire sien ».
« Ce jeune homme était méprisé de la demoiselle de comptoir, qui pendant longtemps avait espéré l’enganter. » H. de Balzac, Les Employées (cité dans Littré).

ÉPICERIE n. f.
« Mesquinerie. »
« L’épicerie du siècle avait enfin rompu le cercle magique d’excentricité dont Rodolphe s’était entouré. » Th. Gautier, Les Jeunes France : romans goguenards (cité dans Larchey).

FAFELU, UE adj.
« Espiègle » ou encore « dodue ».
« Cette petite infante éveillée et fafelue. » Mme de Sévigné, Lettre du 19 février 1690 (cité dans Littré).

HON interj.
« Cri de mécontentement. Quelquefois il se répète et s’emploie pour marquer la surprise, l’irrésolution. »
« Hon ! hon ! il a remis là à payer ses créanciers ? » Molière, Monsieur de Pourceaugnac (cité dans Littré).

MUSIQUER v.
« Faire de la musique. »
« Après dîner, on fit apporter de la musique ; nous musiquâmes tout le jour au clavecin du prince. » J.-J. Rousseau, Les Confessions (cité dans Littré).

PATARAFFE n. f.
« Traits informes, lettres confuses et mal formées. »
« Excusez mes pataraffes et mes ratures. » N. Boileau, Lettre du 3 juin 1700 (cité dans Littré).

QUEUSSI-QUEUMI loc. adv.
« Tout à fait de même. » (Littré)
« Ni bien ni mal, entre deux, tout de même, tel quel. »
« Je pense que ce sera queussi-queumi. » Molière, Le Médecin malgré lui (cité dans Le Roux).

ZINZOLIN n. m.
« Sorte de couleur qui est un violet rougeâtre. » (Académie, 1762)
« Ce grand serpent long de deux aunes, / Tout parsemé de taches jaunes, / De bleu, vert, gris, noir, zinzolin, / Avait le regard très malin. » P. Scarron, Le Virgile travesti (cité dans Littré).

EXPRESSIONS ET PROVERBES

ACCOMMODER LE VISAGE À LA COMPOTE
Déchirer ou mettre le visage de quelqu’un en pièces à coups de poing ; égratigner, écorcher, déchiqueter.
« Il me prend des tentations d’accommoder tout ton visage à la compote. » Molière, Georges Dandin (cité dans Caillot).

AVOIR LA BOUCHE BIEN MEUBLÉE
« Avoir les dents belles. »
« Il a l’air noble, les yeux vifs, le nez un peu aquilin, la bouche grande et bien meublée. » Comte de Caylus (cité dans Littré).

ÉPLUCHER DES ÉCREVISSES
« S’arrêter à des minuties. »
« Vous savez combien on hait, en ce pays-ci [à la Cour] les démêlés des Provinces. Cela s’appelle éplucher des écrevisses. » Mme de Sévigné, Lettre de 1688 (cité dans Féraud).

LÉCHER LE MORVEAU
« Manière de parler ironique qui signifie caresser une femme, la courtiser, la servir, faire l’amour. Dit de même que lécher le gouin, baiser, être assidu et attaché à une personne. »
« Vous voulez volontiers quelque godelureau, qui méthodiquement vous lèche le morveau. »
P. Scarron, Jodelet ou le Maître valet (cité dans Le Roux).

ROMPRE EN VISIÈRE AVEC QUELQU’UN
« Lui dire en face et brusquement quelque chose. » « Je ne romps jamais en visière aux gens pour le bien, non plus que pour le mal que j’en veux dire. » Comte de Bussy, Lettre à Mme de G. de 1685 (cité dans Littré).

La Nouvelle Quinzaine Littéraire

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