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Lettres inédites à l'imprimeur Guy Lévis Mano

La vie éditoriale d’André Breton, qui se vantait de ne pas être un littérateur, fut diversifiée. Il a aussi bien publié à compte d’auteur (L’Union libre) que chez les éditeurs en vue (G...

La vie éditoriale d’André Breton, qui se vantait de ne pas être un littérateur, fut diversifiée. Il a aussi bien publié à compte d’auteur (L’Union libre) que chez les éditeurs en vue (Gallimard). Guy Lévis Mano est l’imprimeur qui a pris en charge l’ouvrage le plus confidentiel de Breton, Au Lavoir noir (soixante-dix exemplaires en janvier 1936), accompagné d’une « fenêtre » – La Bagarre d’Austerlitz – par Marcel Duchamp. Il a surtout participé à l’une des plus intenses périodes de l’aventure du surréalisme et de ses alentours, en publiant de nombreux auteurs du groupe, dont René Char, et réalisé plusieurs projets mettant en relation poètes et peintres (dont La photographie n’est pas l’art, recueil de douze photographies de Man Ray avec un avant-propos de Breton). Guy Lévis Mano projette de rééditer Les Champs magnétiques, premier recueil d’écriture automatique et à quatre mains (publié en mai 1920), en vain (il publiera toutefois les Poésies complètes 1917-1937 de Philippe Soupault). Il propose d’ailleurs à Breton de diriger l’un des Cahiers GLM (le numéro 7, sorti en mars 1938), qui sera réédité quelques mois plus tard en un volume indépendant, sous le titre Trajectoire du rêve, anthologie de textes relatifs au rêve, dont une lettre de Sigmund Freud, rattachée tardivement au projet et donc reproduite en fac-similé. Il a enfin contribué à promouvoir les « classiques » des surréalistes ; face à la déception causée par l’édition José Corti des œuvres de Lautréamont, avec un dessin de Dalí, le nouvel imprimeur entreprend de dresser un monument éditorial à l’auteur des Chants de Maldoror, et d’en confier la responsabilité à Breton ; si l’édition est présentée comme « surréaliste » et accompagnée de six dessins d’artistes surréalistes majeurs, Breton est, par un concours de circonstances, resté éloigné du projet.

 

Paris le 17 décembre 1935
Cher Monsieur,
Marcel Duchamp m’écrit que le tirage de la « fenêtre » qui doit accompagner mon poème est terminé. Mais vous ne m’avez toujours pas fait parvenir d’épreuves de ce poème. J’espère cependant que vous pourrez sortir Au Lavoir noir avant la fin de ce mois, comme vous me l’aviez dit : vous savez que j’ai annoncé ce petit volume comme paru (dans la page : « Du même auteur » de mon dernier livre). Vous me feriez grand plaisir en y songeant et en m’en donnant des nouvelles.
Croyez, je vous prie, à mes très sympathiques sentiments.
André Breton 42 rue Fontaine Paris (IXe) 

Mercredi 10 mars 1937
Cher Monsieur,
Votre projet m’intéresse vivement. Mes seules objections de principe portent sur la difficulté de constituer un ensemble cohérent de textes et d’illustrations touchant au rêve. J’estime, en effet, qu’une seule entreprise n’est valable qu’à condition d’aller plus loin dans ce domaine qu’on est allé jusqu’à ce jour. Tout doit être authentique, original et, autant que possible, nouveau : n’est-ce pas votre avis ? Et un tel sujet favorise plus que tout autre la confusion. Il me semble qu’une grande rigueur s’impose dans le choix de la collaboration si l’on veut qu’une publication comme celle-ci garde à distance toute sa valeur et puisse être consultée utilement. Ne m’en veuillez donc pas si je subordonne mon acceptation à l’intérêt que présentent pour moi les éléments que vous comptez réunir.
Tout à votre disposition pour m’en entretenir avec vous, je vous prie de croire, cher Monsieur, à mes sentiments amicalement dévoués,
André Breton 42 rue Fontaine Paris (IXe) 

Paris le 16 avril 1937
Cher Monsieur,
je vous retourne bien tard les épreuves du petit texte pour Man Ray. La disposition serait à modifier en tenant compte du fait que plusieurs hommes parlent tour à tour (expriment chacun leur désir essentiel) : je ne vois guère moyen d’éviter le tiret à partir de la deuxième phrase. Voulez-vous bien considérer aussi que le mot Convulsionnaire, qui constitue le titre du texte, doit être composé en caractères plus importants, plus noirs que « hommes » ou « femme ». En ce qui concerne l’ordre de succession des planches, celui de Man Ray sera le mien.
Je m’occupe de réunir les documents pour votre cahier. J’espère ne pas vous les faire attendre trop au-delà du 1er mai.
Excusez-moi de n’avoir pu passer vous voir, l’aménagement de la galerie et quelques autres occupations absorbantes ne m’ayant pas laissé le loisir.
Croyez, je vous prie, à mes sentiments amicaux,
André Breton 

[pied de page « Gradiva / Direction André Breton / 31, rue de Seine, Paris VIe / Danton 62-29]


Paris, le 16 mars 1938
Mon cher Ami,
il me paraît absolument nécessaire d’insérer le texte ci-joint dans le cahier consacré au rêve. Comme je pense qu’il est trop tard pour qu’il prenne place dans le corps du numéro, on ne peut guère envisager que de le composer sur feuille volante et de l’introduire au début du volume à la façon d’une prière d’insérer (peut-être pourrait-on le tirer sur papier de couleur). Voulez-vous me dire tantôt, par téléphone, ce que vous en pensez ? En ce qui concerne le titre à donner au tirage à part que vous projetez, je crois pouvoir m’arrêter à : Trajectoire du rêve qui exprime clairement le rapport entre les textes anciens de la première partie et les modernes. En bas de page, je vous propose de mentionner ma participation sous cette forme : Documents recueillis (ou assemblés, si vous préférez) par André Breton. La vie que nous font les événements extérieurs est horrible, je me demande si votre prochain cahier aura le temps de paraître. Merci pour les livres. Le Lautréamont, en effet, n’est pas fameux. Le portrait de Dalí est un scandale.
À bientôt,
Très amicalement,
André Breton 

Paris, le 19 mars 1938
Mon cher Ami,
voici le complément annoncé à la note concernant Freud. Pourvu que les événements ne vous contraignent pas à un nouveau post-scriptum.
La préface, malheureusement, continue à ne prendre forme ni dans mon esprit ni sur le papier et je pars le 8 avril pour Mexico ! Je suis surchargé d’occupations et, par surcroît, assez souffrant. Il m’en coûte terriblement de vous manquer de parole, après tout ce que vous m’avez dit. Espérons encore.
Bien amicalement à vous,
André Breton 

Paris, le 29 mars 1938
Mon cher Ami,
Conformément à ce qu’Yves Tanguy a pu vous dire de ma part, je me trouve dans l’impossibilité matérielle de vous remettre actuellement la préface que vous attendiez pour les Œuvres complètes de Lautréamont. Je vous prie de vouloir bien utiliser le texte ci-joint, qui sera reproduit dans l’Anthologie de l’Humour noir, à paraître en mai chez Denoël. Il est bien entendu que je renonce, dans ces conditions, à tous les droits que vous m’avez consentis sur l’édition.
En toute hâte, avec mes amitiés et mes excuses
André Breton 

Vendredi 2 juin 1939.
Mon cher Ami,
êtes-vous rentré en possession du poème illustré par Matta ? Voulez-vous bien à l’occasion le remettre à Robert Rius qui me le gardera jusqu’à mon retour.
Avez-vous pu vous mettre d’accord avec Soupault pour le projet de réédition des « Champs magnétiques » ?
Où en sont vos anthologies ?
Si vous avez quelque publication à m’adresser, quelque lettre à me faire suivre, voulez-vous bien prendre note de mon adresse ici jusqu’à septembre.
Vous me ferez plaisir en me tenant au courant de vos travaux.
Mes hommages, je vous prie, à Mademoiselle Pissarro.
Très amicalement,
André Breton
château de Chemillieu
par Belley (Ain)

La Nouvelle Quinzaine Littéraire

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