A lire aussi

La multitude des publications en psychanalyse témoigne du bouillonnement permanent de cette discipline, mais aussi de sa dispersion. Chaque mois, La Quinzaine proposera un choix résolument subjectif de l'actualité éditoriale freudienne : des livres, des revues et des annonces de rencontres concernant la psychanalyse et ses voisinages.

Livres

Dans L’Autresexe (éd. Epel), Jean Allouch fait le point sur la célèbre formule de Lacan : « Il n’y a pas de rapport sexuel. » Catherine Millot nous replonge dans les années des nœuds borroméens, elle raconte la vie à cent à l’heure avec Lacan dans les années soixante-dix (La Vie avec Lacan, Gallimard, coll. « L’Infini »).Dans Des tanières & des terriers (Ithaque), à contre-courant de la psychopathologie, Gregorio Kohon livre ses hypothèses sur la création comme refuge chez Louise Bourgeois et Franz Kafka. Avec Foucault à Münsterlingen : À l’origine de l’Histoire de la folie, les éditions de l’EHESS nous donnent une des sources de l’œuvre du philosophe : en 1954, Foucault se rend au carnaval de l’asile de Münsterlingen avec la psychiatre Jacqueline Verdeaux, qui en rapporte de superbes photos. Enfin, Philippe Douroux vient de publier une biographie d’Alexandre Grothendieck, ce génie des mathématiques, pionnier de l’écologie militante, qui fut longtemps apatride et refusa les plus prestigieux prix scientifiques. Quel rapport avec la psychanalyse, me direz-vous ? C’est que les topologies de Grothendieck, comme le dit le mathématicien René Lavendhomme, pourraient bien être ce qui manque à la psychanalyse pour faire sa véritable révolution topologique et politique (Philippe Douroux, Alexandre Grothendieck : Sur les traces du dernier génie des mathématiques, éd. Allary). 

Revues

Un superbe numéro hors-série de la revue Che vuoi ?, la revue du Cercle freudien. Le titre de ce numéro est écrit en lettres gothiques, blanches sur fond noir : « Du meurtre ». La date, « hiver 2015-2016 » : on s’en souviendra de cet hiver si rude pour le lien social, et c’est heureux qu’une revue de psychanalyse garde une trace de cette violence.

Illusio, une belle revue coordonnée par un collectif d’enseignants et d’étudiants en sociologie de l’université de Caen, a consacré ses trois dernières livraisons à la théorie critique de la crise. Le dernier numéro, « Théorie critique et psychanalyse : altérations », contient plusieurs pépites, comme cet échange passionnant entre Herbert Marcuse et son élève Angela Davis à propos du passage des idées à l’action dans la lutte pour les droits civiques dans les années soixante. Avec un article de Marcuse : « L’idéologie de la mort ».

Voisinage

Je feuillette le dernier Carnet de notes (2011-2015) de Pierre Bergounioux et j’aime beaucoup trouver cette phrase sous sa plume (il est en train de dire sa réticence à l’égard du goût de Jung pour l’occultisme et le paranormal) : « L’homme des lumières, le savant, c’était Freud. Au reste, Jung en est bien conscient. » (p. 724)

Marie Darrieussecq vient de publier chez Denoël une nouvelle traduction du livre de Virginia Woolf, A Room of One’s Own. Un titre qui a toujours été traduit en « une chambre à soi ». Marie Darrieussecq fait l’hypothèse qu’il s’agit là de misogynie, consciente ou non : la femme a été cantonnée à la chambre. Que pourrait-elle bien faire dans un bureau ? En optant pour Un lieu à soi, Marie Darrieussecq pose un acte politique et topologique : l’espace de la femme n’est plus déterminé métriquement et sexuellement, il change de dimensions.

Rencontres

« Psychanalyse et terrorisme », une soirée-débat organisée par François Ardeven, qui discutera avec Gérard Haddad de son dernier livre, Dans la main droite de Dieu : Psychanalyse du fanatisme, aux éditions Premier Parallèle. Mardi 15 mars à 20 h 30 au Centre Medem, 52 rue René Boulanger, 75010 Paris.

« La Semaine De La Folie Ordinaire », c’est à Reims, à Saint-Denis et à Paris. Il s’agit d’un programme de subversion des très officielles et très froides « Semaines d’information sur la Santé Mentale », qui chaque année informent surtout du recul des dispositifs de parole et du progrès du technoscientisme d’État, lequel en psychiatrie propose toujours plus de contention et toujours moins de personnel pour accueillir, et toujours moins de conditions pour une pratique de la psychanalyse. « De l’écoute, pas que des gouttes », c’est une des formules de l’association HumaPsy, créée par des patients. Entre autres manifestations, une soirée-débat organisée par le Collectif Artaud, à Reims, le mercredi 16 mars, sur le thème : « Y a pas d’raison ». Et le 18 mars à la librairie Folies d’Encre à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Plus d’informations sur humapsy.wordpress.com

Yann Diener