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Chronique freudienne

Article publié dans le n°1154 (01 juil. 2016) de Quinzaines

Livres Catherine Meurisse, La Légèreté (Dargaud). Pourquoi cette BD dans une chronique des livres de psychanalyse ? Parce que, en racontant comment elle est reven...

Livres

Catherine Meurisse, La Légèreté (Dargaud). Pourquoi cette BD dans une chronique des livres de psychanalyse ? Parce que, en racontant comment elle est revenue à la vie et à la création après l’attentat qui a tué ses amis de Charlie Hebdo, la dessinatrice Catherine Meurisse parle comme les livres canoniques de Freud : sa Psychopathologie de la vie quotidienne, son Interprétation des rêves, son Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient. Freud, modeste, considérait que les écrivains et les artistes précèdent les découvertes de la psychanalyse. Ici, Catherine Meurisse nous offre un précieux précis sur les formations de l’inconscient. Il est question de deuil, de sublimation, de lapsus, de création, de mémoire et de perte de mémoire. La page sur les lapsus très sexuels de son garde du corps amoureux est savoureuse. Catherine Meurisse était partie à Rome pour y vivre le syndrome Stendhal, l’évanouissement provoqué par la beauté, mais elle va faire l’expérience d’une sorte de syndrome Stendhal à l’envers : « D’abord l’évanouissement, intérieur, dû au choc de l’attentat, puis, au réveil, l’obsession de la beauté. »

Signalons également une nouvelle traduction de Deuil et mélancolie de Freud, présenté et commenté par Olivier Douville, aux éditions InPress, dans la collection « Freud à la lettre », qui fait un retour au texte en allemand (la traduction est due à Hélène Francoual).

Voisinages

Thierry Marchaisse, Théorème de l’auteur : Logique de la créativité (Epel). C’est fort de son expérience d’éditeur, d’abord au Seuil, puis dans la maison qui porte son nom, et aussi comme responsable d’Epel, les foisonnantes éditions et publications de l’école lacanienne, que le philosophe Thierry Marchaisse nous livre ici ses réflexions sur les paradoxes de la position d’auteur. L’auteur (de ce livre) est un logicien chevronné, il peut pousser lemmes et mathèmes jusqu’à leurs limites vertigineuses et déconcertantes, jusqu’à faire des propositions qui seront d’abord perçues comme provocatrices, et qui feront voir ensuite au lecteur bien des choses différemment. Marchaisse se propose de démontrer la proposition suivante : on peut devenir le véritable auteur de l’idée d’un autre. Et il parvient à transformer ce paradoxe en un théorème (il commence par faire l’hypothèse qu’Augustin est le premier à avoir eu l’idée du cogito). Il nous en expose plusieurs conséquences, notamment : « Le véritable auteur de l’idée d’un autre peut devoir, à son tour, céder sa place créatrice à un autre, et ainsi de suite indéfiniment. » Tout en restant didactique, Marchaisse est très à l’aise avec les notions de mathématique et de logique nécessaires à sa démonstration. Quel rapport avec la psychanalyse ? me direz-vous. Cette époustouflante refonte de l’idée d’auteur permet, en particulier, d’éclairer le rapport de Lacan à Freud : « Ce que Freud découvre, Lacan le fonde » ; une proposition scandaleuse mais démontrable. Ce livre permet également de réviser dignement l’aphorisme de Lacan qui peut encore faire polémique puisque régulièrement l’État se targue de réglementer la formation et la pratique des psychanalystes : « L’analyste ne s’autorise que de lui-même… et de quelques autres ». Une formule à laquelle Lacan avait donné une variante : « L’analyste ne s’auteur-ise que de lui-même ». Le travail de Thierry Marchaisse, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, donne de nombreuses pistes pour préciser qui peuvent être ces « quelques autres ».           

Revues

La dernière livraison (n° 59) de la revue Actuel Marx a pour thème : « Psychanalyse, l’autre matérialisme ». « On trouvera dans ce numéro un ensemble d’interrogations sur la façon dont les grandes crises théoriques et politiques du marxisme l’ont chaque fois conduit à solliciter le discours autre de la psychanalyse, ou l’autre discours auquel elle entend donner droit de cité, celui de l’inconscient. » Un dossier très actuel puisqu’il peut aider à préciser les coordonnées d’une question qui revient régulièrement : quelle marge un analyste a-t-il pour prendre publiquement une position politique ? Ce numéro d’Actuel Marx nous offre également deux notes inédites de Sándor Ferenczi et une archive concernant l’enseignement de la psychanalyse à l’université de Budapest en 1919, en pleine révolution. 

Rencontres

Invitation to Frequent the Shadows : le Freud Museum de Londres propose une belle exposition jusqu’au 17 juillet, consacrée à des œuvres de Bettina von Zwehl, une artiste qui a bénéficié d’une résidence dans la dernière demeure de Freud. Elle dialogue avec Anna Freud en installant des œuvres dans les escaliers et dans les pièces de la célèbre maison du 20 Maresfield Gardens. Il s’agit de silhouettes d’une jeune fille et de portraits d’une femme, en hommage à Natalie Ciletti, analyste qui recevait des enfants et qui est morte tragiquement en 2009.

Yann Diener