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La divination, le luxe, les tractations des Etrusques

Venues des musées prestigieux de Rome, de Florence, de Londres, de Paris, de Munich, de Würzburg, plus de deux cents œuvres (bien choisies) sont rassemblées dans cette exposition passionnante du musée Maillol.

EXPOSITION ETRUSQUES (UN HYMNE A LA VIE)

Musée Maillol

61 rue de grenelle, 75007 Paris

18 septembre 2013- 9 février 2014

 

Livre-Catalogue de l'exposition

Sous la direction d'Anna Maria Sgubini et de Fransesca Boitani

Gallimard/Musée Maillol, 288p., 223 ill.coul, 39€

Venues des musées prestigieux de Rome, de Florence, de Londres, de Paris, de Munich, de Würzburg, plus de deux cents œuvres (bien choisies) sont rassemblées dans cette exposition passionnante du musée Maillol.

Les armes, les bijoux, les bronzes, les céramiques, les lamelles d’or (avec des inscriptions), les peintures, les urnes cinéraires traduisent les mœurs des Étrusques, leur goût de la mort, des plaisirs et du sport, leurs banquets, l’importance de la religion, les divinations.

Peuple de marins et de marchands, les Étrusques jouaient un rôle essentiel dans le monde méditerranéen. Ils échangeaient ; ils circulaient ; ils multipliaient des tractations, des trafics, des recherches de métaux, peut-être des razzias d’hommes (et de femmes) pour les réduire en esclavage... Depuis le IXe siècle avant J.-C. jusqu’au IVe siècle avant J.-C., les Étrusques importaient, exportaient avec les colonies grecques du sud de l’Italie et de la Sicile. Ils contrôlaient un littoral ponctué de comptoirs (des emporia), qui s’étendait d’Antibes jusqu’à l’embouchure du Tibre. À partir des années 1970, de nombreuses fouilles archéologiques (terrestres et sous-marines) révèlent un commerce maritime entre l’Étrurie et le sud de la France. Le sel constituait une denrée stratégique pour la conservation des aliments ; Tarquinia était la ville du sel et aussi la cité dont les Tarquins (rois étrusques de Rome) étaient originaires. Et, selon le géographe grec Strabon, la Rome des Tarquins aurait emprunté à Tarquinia les insignes du pouvoir : faisceaux, haches, trompettes, rites sacrificiels, divination, musique.

Pour les Anciens (en particulier latins), les Étrusques seraient très religieux. Les haruspices pouvaient prédire l’avenir en interprétant les signes célestes (comme la foudre) ou bien en regardant le foie des animaux sacrificiels. Ces prêtres étrusques organisaient des cérémonies importantes, comme la fondation des colonies ou les déclarations de guerre... La religion locale et les cultes helléniques se tissent. Tinia est assimilé à Zeus ; Uni à Héra ; Turan (peut- être la « maîtresse des animaux ») à Aphrodite ; Mnrva à Athéna ; Lara (dieu de la guerre) à Arès ; Nethuns, un dieu des eaux, à Poséidon ; Fufluns (dieu de la végétation et de l’ivresse) à Dionysos ; Sethlans à Héphaïstos... Hercule (Hercle) et Apollon (Aplu) sont adoptés, hors des rites étrusques. Hercule joue un rôle dans la monarchie des Tarquins à Rome. Telle statuette, Culsans, évoque Janus, gardien des portes. Selvans (connu comme Silvanus dans le monde romain) est la divinité des bois et des frontières... Un haruspice porte un lourd manteau à franges, fermé sur la poitrine par une fibule ; il est coiffé d’un haut couvre-chef pointu attaché sous le menton – car il est de mauvais augure qu’un chapeau de prêtre tombe durant les cérémonies. Une statuette de bronze représente un augure avec son bâton recourbé : il observe le vol des oiseaux qui seraient les témoins des dieux...

Selon les sources antiques, les classes dominantes
de l’Étrurie faisaient dresser deux fois par jour des 
banquets somptueux ; ils disposaient des formes 
de vaisselle d’argent ; ils employaient de nombreux esclaves, parfois très beaux. Ils buvaient un 
vin coupé d’eau, parfumé d’épices et d’aromates et modifié par un fromage râpé (selon l'usage grec). Les femmes étrusques participaient aux banquets, ce qui choquait les autres civilisations. Des anecdotes scabreuses prétendent que ces femmes « se livrent au premier venu, boivent à la santé de qui leur plaît et sont en outre de grandes buveuses ». L’embonpoint était lié à la richesse et au pouvoir des aristocrates ; les écrivains romains se moquaient des « Étrusques obèses »... Après les banquets, on jouait, on conversait, on chantait, on écoutait les joueurs de flûte, on voyait les danseurs, les danseuses, les mimes, les acrobates. Dans les tombes peintes, certaines scènes de banquets sont représentées et elles soulignent le rôle social du défunt.

Les Étrusques se révèlent amoureux du pouvoir, de la richesse, de la sensualité, des jeux sportifs, et, simultanément, hantés par la mort... Les premiers témoignages sur le sport en Étrurie remontent au VIIe siècle avant J.-C. Selon Tite-Live, Tarquin l'Ancien, une fois monté sur le trône, aurait offert à Rome des jeux somptueux, avec au programme des chevaux de course et des boxeurs venus d'Etrurie. Des fresques de tombes, des bas-reliefs de stèles, des céramiques, des miroirs, des statuettes représentent des compétitions athlétiques. Il existait trois types de jeux en Etrurie : les uns organisés au cours des funérailles dans le cercle des grandes familles aristocratiques ; les autres décidés par une cité ; puis ceux qui concernent toute l’Étrurie. Vers 540 avant J.-C., l’oracle de Delphes suggéra aux habitants de Cerveteri de donner des jeux gymniques et équestres en l’honneur des mânes des prisonniers phocéens qu’ils avaient massacrés... Le public des compétitions comportait des hommes et des femmes sur des tribunes de bois. Alors que les Grecs offraient aux vainqueurs des couronnes de feuillage, les Étrusques accordaient aux athlètes des récompenses matérielles : trépieds, bassins, vases ornés, cruches en bronze...

Dans certaines peintures de tombes, sur des coupes d’argile, sur des vases, des scènes érotiques donnent à voir des positions hétérosexuelles et homosexuelles, des rapports à plusieurs partenaires. Tel vase comporte trois phallus impressionnants en érection, qui évoquent peut-être le culte de Dionysos et les rites de la fertilité...

Depuis une cinquantaine d’années, des fouilles systématiques sont promues par le ministère de la Culture d’Italie, par les universités, par des missions internationales. Grâce à de nouvelles technologies et grâce à des méthodes précises et prudentes, elles apportent de nouvelles informations sur la société complexe des Étrusques, leur architecture, leur urbanisme, leurs activités commerciales, leurs mœurs, leur raffinement.

À l’intérieur de la Méditerranée, les Étrusques apparaissent, d’abord, comme de merveilleux passeurs et des marchands cosmopolites et ingénieux ; ils transmettent des formes et des styles venus d’ailleurs.

Gilbert Lascault

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