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Une fiction historique

Article publié dans le n°1195 (01 juin 2018) de Quinzaines

« De colère et d’ennui » se présente comme une fiction historique, dont l’objectif est de donner à voir une réalité.
Thomas Bouchet
De colère et d’ennui. Paris, chronique de 1832
« De colère et d’ennui » se présente comme une fiction historique, dont l’objectif est de donner à voir une réalité.

Quoi de mieux que de suivre une forme faulknérienne, laissant le soin à quatre narratrices successives de raconter l’année 1832, chaque voix étant fondée sur des sources de première main ?Louise est la marchande des quatre saisons qui répond sans cesse aux interrogatoires (suite à l’insurrection de 1832). Lucie rend compte de l’épidémie de peste. Adélaïde, la narratrice de loin la plus prolifique avec près de 20 lettres (contre 5 ou 7 pour les autres), permet de suivre de près l’actualité de cette année : le dernier roman de George Sand, les travaux sur les bienfaits du chocolat, etc. Émilie retranscrit la voix des saint-simoniens (ces socialistes utopistes) – qui relèvent précisément de la spécialité du chercheur qu’est Thomas Bouchet –, dont l’enthousiasme est à la hauteur de la persécution.

Ce type de fiction historique s’inscrit dans un mouvement plus large visant à briser les frontières génériques. En relisant Le Mythe moderne du progrèsde Jacques Bouveresse, il faudrait s’interroger sur cette tendance. Malgré tout, la formedu roman de Thomas Bouchet n’est pas la conséquence d’une recherche de nouveauté ; elle résulte davantage d’une prise de conscience de la vanité de toute entreprise historique, perçue comme une restitution. Conscient de cette vanité du document d’archives, Thomas Bouchet délaisse son statut d’enseignant-chercheur au profit de celui de romancier, afin de faire entendre des voix,de donner les traits d’une époque à travers des esquisses,d’« essayer de faire naître […] des sentiments ou des sensations de lecture ». Et d’y parvenir.

Eddie Breuil

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