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Les mésaventures de Roger Peyrefitte « Je vivais intensément dans un monde disparu, celui de l’Antiquité, et dans un monde pédérastique, ...

Les mésaventures de Roger Peyrefitte

« Je vivais intensément dans un monde disparu, celui de l’Antiquité, et dans un monde pédérastique, découvert à la source même de la pédérastie ».
Roger Peyrefitte, Propos secrets.


Nous n’avons pas parlé jusqu’ici de manière spécifique des homosexuels au Quai d’Orsay, bien qu’ils soient réputés le peupler. Nombre de diplomates ne surnomment-ils pas leur ministère la « Banquise » sous prétexte qu’il n’y aurait que des phoques ? Parmi ces diplomates invertis, Roger Peyrefitte fut sans doute le plus célèbre, sa brève carrière, parsemée de scandales, coïncidant avec une des périodes les plus troublées
de notre histoire.

*

Né en 1907 dans la bonne bourgeoisie de Castres, il n’était pas prédisposé à entrer dans la Carrière, mais sa rencontre fortuite avec Jules Cambon décida de son avenir. En effet, frappé par la culture du garçon, l’illustre ambassadeur lui dit qu’il ferait un bon diplomate, et son élogieuse remarque ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd. Pour l’adolescent, homo latent de seize ans à qui on aurait donné le bon Dieu sans confession, entrer au Ministère des Affaires étrangères signifiait échapper au carcan provincial, sortir du placard et sucer enfin autre chose que les bonbons à l’anis des vieilles amies de ses parents.

En 1927, malgré les réserves de son père, il s’inscrivit à l’École libre des sciences politiques, aujourd’hui Sciences Po. À cette époque, comme « tout n’était que titres et particules rue Saint-Guillaume1 », il ne dérogea pas à la règle en fréquentant de jeunes aristocrates, et alla encore plus loin en nouant de tendres liens avec un membre de la famille de Faucigny-Lucinge.

Il logeait rue de Ponthieu, près du Select, une boîte gay réputée, et passa sa première année à batifoler. Il lui arrivait même de michetonner pour s’acheter les livres érotiques rares. Il eut aussi des petites amies, mais, comme il persistait à vouloir les honorer par-derrière, elles partirent l’une après l’autre. Comprenant cependant qu’il lui fallait bûcher un minimum et qu’il devait s’astreindre à la discrétion s’il voulait devenir ambassadeur un jour, il consentit à travailler et obtint brillamment son diplôme.

En juillet 1931, il tenta le « grand concours2 » d’entrée au Quai et brilla à l’écrit, éclipsant Armand Bérard, futur ambassadeur à Rome et délégué aux Nations Unies. Toutefois, déjà téméraire – d’aucuns diraient suicidaire -, il risqua un bon mot lors d’un oral devant le directeur des stages, l’austère protestant Paul Bargeton, qui le sacqua. Sorti premier de Sciences Po, il entrait dernier au Quai, la queue basse…

Nommé à la Sous-direction des unions internationales, sous les ordres de l’ambassadeur Campana, il se lia avec Jean-Paul Garnier et Guillaume Georges-Picot. Ces deux hétérosexuels s’étaient tripotés lors d’une beuverie, mais n’étaient pas allés plus loin. Ils l'accueillirent cordialement.

1. Citation de Roger Peyrefitte.
2. L’équivalent du concours externe actuel.

La Nouvelle Quinzaine Littéraire

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