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Les soins de la mort. Entretien avec Amandine Dhée

Dans ses œuvres, Amandine Dhée traite des questions du corps féminin, de la maternité et de la mort. Dans son dernier roman, Sortir au jour, inspirée par la connaissance d’une thanatopractrice, l’écrivaine nous raconte une histoire autour de la mort et de la transmission.
Amandine Dhée
Sortir au jour
Dans ses œuvres, Amandine Dhée traite des questions du corps féminin, de la maternité et de la mort. Dans son dernier roman, Sortir au jour, inspirée par la connaissance d’une thanatopractrice, l’écrivaine nous raconte une histoire autour de la mort et de la transmission.

Velimir Mladenović : Votre dernier livre traite d’un sujet assez particulier. Vous parlez d’une femme thanatopractrice. Pourquoi ce métier vous inspire-t-il ?

Amandine Dhée : À vrai dire, c’est d’abord la personne de Gabriele qui a suscité ma curiosité ; son intelligence, son humour, sa malice m’ont donné envie de la rencontrer et de l’écouter. Son métier est au cœur de l’humain et interroge notre lien à la mort et aux rituels funéraires. La thanatopractrice est celle qui prodigue les derniers soins à la personne défunte, elle est un lien entre les vivants et les morts. C’est un métier dont on parle peu et qui en dit pourtant beaucoup sur nous-mêmes !

V. M. : Ce métier est directement lié à la mort, mais votre roman ne parle pas que de ça. C'est également une ode à la vie.

A. D. : Oui, en parlant de la mort, de la perte, je voulais mettre en lumière ce qui nous lie, ce qui nous tient ensemble. Et ce lien nous accompagne jusqu’au bout, dans les derniers gestes vis-à-vis de nos défunts. J’imaginais ce livre comme une invitation à parler de la mort, à cesser de fuir ce qui nous effraie pour l’envisager plus sereinement. Chaque livre est une invitation au partage, un antidote à la solitude et au silence.

V. M. : Dans la plupart de vos textes, le point de départ est quelqu'un qui est en train de se battre. Pourriez-vous expliquer ce procédé ?

A. D. : C’est cette bataille intérieure qui préside chaque fois à l’écriture d’un livre. La traversée permet ici de modifier le rapport à la mort, de retrouver du mouvement de pensée. Les temps de l’écriture et de la lecture sont des parenthèses, des temps dilatés, où je propose au lecteur et à la lectrice de ralentir et de s’offrir un temps d’introspection, en résonance avec le texte.

V. M. : Comme pour vos textes précédents, le titre Sortir au jour est évocateur. Pourriez-vous le présenter ?

A. D. : J’aime ce titre, car il offre plusieurs sens. Les personnes pensent souvent à une naissance et ce malentendu me plaît, car la naissance et la mort sont des temps de passage, qui interrogent notre humanité commune. Le titre est inspiré du rituel funéraire de l’Égypte ancienne. Après son embaumement, le défunt devait traverser le royaume des ténèbres, et pour l’aider, pour le guider dans son périple, on lui confiait le livre des morts. La traduction littérale du titre de ce guide est « le livre pour sortir au jour ».

V. M. : Pourriez-vous nous raconter votre rencontre ? Peut-on considérer ce roman comme le récit d’une rencontre ?

A. D. : Nous nous sommes rencontrées par hasard dans une librairie. Gabriele a évoqué son métier, que je connaissais peu. Elle a choisi ce travail après un long cheminement, il s’agit d’une reconversion. Elle m’a dit : « J’ai enfin trouvé du sens à mon travail. » J’ai eu envie qu’elle m’en dise plus ! 

V. M. : Que faites-vous au théâtre en ce moment ? 

A. D. : La plupart du temps, je partage mes textes sous forme de lectures musicales, avec la musicienne Sarah Decroocq (June Bug). Ces moments constituent de belles traversées collectives autour des questions qui nous travaillent intimement. Le spectacle vivant permet de toucher les personnes autrement que lors d’une lecture solitaire. Ce sont des moments de partage très précieux ! Il m’arrive aussi de vivre des temps de plateau avec d’autres musiciennes ou des plasticiennes sur des projets plus ponctuels. C’est l’un des aspects de mon métier que j’aime le plus. Ces rencontres sont souvent très fécondes.

[Amandine Dhée est une écrivaine et comédienne française. Son écriture questionne notamment le désir, la sexualité, la maternité, le corps et la mort. Elle remporte en 2017 le Prix Hors Concours pour son roman La Femme brouillon (La Contre Allée). Parmi ses autres ouvrages, citons Les Saprophytes, urbanisme vivant, La Contre Allée, 2017 ; À mains nues, La Contre Allée, 2020 ; Cramoisir, L'Onde théâtrale, 2022 ; Sortir au jour, La Contre Allée, 2023, sélection Prix Orange du livre 2023 et sélection Prix Babelio 2023.]

Velimir Mladenović

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