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Pour quitter la nuit

Dans ce récit sans narration, quelqu’un attend : une personne, un poème, un recommencement. Ou la fin de la nuit.
Dans ce récit sans narration, quelqu’un attend : une personne, un poème, un recommencement. Ou la fin de la nuit.

La prière d’insérer nous prévient que « C’est toute une histoire / Qui ne s’écrira pas », alors que le titre semble annoncer le script d’une scène de cinéma. Les premiers fragments, des vers elliptiques, nous plongent au cœur d’une nuit d’insomnie. 

J’entends grincer des portes
Qui n’existent pas
Une armoire un placard
Une casquette
Vide 

La narratrice y est seule, dans l’attente peut-être d’un poème à écrire dans son « carnet cousu », ou de quelqu’un qui ne viendra pas.

Puisque la lumière est refusée, la poète veut « [t]enter la nuit ». Histoire d’une conscience qui écrit, se sachant incapable de soulever des montagnes. Alors, on lit l’effort au présent (duratif et laborieux) pour annexer un espace, petit bout de territoire nocturne : des restes sur la table, les miettes et les mots ensemble. Un viatique ? Les adverbes invariables se heurtent : dedans-dehors. On n’est pas à l’abri : la nuit semble infinie, « [s]ans début ni fin ». Pourtant le « je » résiste. À quoi ? « Je reste assise ». Une bougie, la lampe, « mon crayon » : il est dérisoire et dressé comme le i de la nuit.

Vers courts, vers longs, vers rien, « agrippé dans l’effondrement des heures ». Lorsque la ligne s’allonge, c’est pour une durée vaine. L’espace intérieur, réduit, est-il l’image de ce qui entoure, enserre ? « Un cendrier propre depuis trois ans » : quelqu’un qui fumait est-il parti ? Des phrases lues ou entendues, en italiques, trouvent un écho personnel : « Pour survivre les grizzlys ont dû s’adapter. / Aujourd’hui les grizzlys vivent surtout la nuit. » C’est parfois plus menaçant : « La veuve noire dévore son amant pendant l’accouplement ».

Certains vers semblent le premier sans suite d’un poème : « La nuit ne prépare pas au jour » ou « La nuit est sans lendemain ». Ou encore, plus léger : « La nuit sent la fougère ».

Une impuissance s’inscrit tandis qu’un texte en bribes s’écrit. Est-ce le poème ? Le carnet, les miettes, le cheval reviennent. Aucun secours face à l’« abandon », tout se ressemble la nuit. Quand le jour se lèvera, l’histoire pourra-t-elle reprendre ?

Isabelle Lévesque

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