Le tour de force d’un livre consiste parfois à révéler la force de ce qui semble lui échapper : plutôt que de cerner des notions, confronter la pensée à ce qui paraît la déborder, ce « quelque chose d’inassignable qui fuit », selon la célèbre formule, qui poursuit avec : « le problème n’est pas de dépasser les frontières de la raison, c’est de traverser vainqueur celles de la déraison ». L’ambition ne tend pas au desséchant triomphe d’un esprit rationnel qui anéantirait l’irrationnel. La victoire appartient en réalité à celui qui sait entendre l’appel de l’ombre, selon le titre de Thérèse Delpech qui en livre une originale perception. Appel, c’est-à-dire cri ou vocation.
L'Appel de l'ombre. Puissance de l'irrationnel
L’image deleuzienne est familière : l’écrivain, sollicité par « des forces insupportables », finit par leur extorquer le pouvoir de créer. Mais lorsque cette extorsion n’a pas lieu, qu’en est-il ? Lorsque l’ombre n’accouche pas d’une nouvelle manière de sentir, lorsque l’irrationnel n’est pas l’aube d’une nouvelle forme de raison, qu’en est-il ? Quel appel au lecteur un livre sur l’appel de l’ombre adresse-t-il ?
Un appel paradoxal, puisque peuvent être lus dans le désordre les chapitres, ou plutôt les récits, le mot « récit » étant restauré dans son sens originel, loin de toute ...
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