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Pierre Judet de La Combe revisite « pour les enfants » l’histoire de Kronos, ou plus exactement du fils de Kronos, Zeus, qui instaure contre son père un nouvel ordre olympien après le d...

Pierre Judet de La Combe revisite « pour les enfants » l’histoire de Kronos, ou plus exactement du fils de Kronos, Zeus, qui instaure contre son père un nouvel ordre olympien après le désordre titanesque.

Zeus arrive après Kronos, il est l’enfant de Kronos qui échappe à son sort (se faire dévorer par son père et dévorer ses enfants). Il parvient à vaincre les Titans (la lignée de Kronos, fils d’Ouranos-Ciel et de Gaïa-Terre) et à imposer une nouvelle alliance. Ensuite, pour conjurer l’ennui de cet ordre olympien, les dieux ont commencé à s’intéresser aux humains en se mêlant de leurs affaires, le commerce de l’amour ou de la guerre principalement, comme le relatent l’Iliade et l’Odyssée, de Pâris à Ulysse. « Les dieux, écrit Pierre Judet de La Combe, pour ne pas s’ennuyer, pour ne pas être confinés dans l’ordre immobile qu’ils ont créé, n’ont qu’une seule solution : s’intéresser aux humains. » Zeus ne cesse ainsi de changer d’apparence pour séduire de simples mortelles. Il se transforme en pluie d’or pour séduire Danaé, en taureau pour séduire Europe, en cygne pour séduire Léda, et en séduisant Sémélé, Zeus donne naissance à Dionysos… Pierre Judet de La Combe raconte avec une réelle familiarité (celle de toute une vie) les différentes transformations des dieux et des déesses, ou certaines de leurs infortunes (Aurore, l’éternelle jeunesse, qui s’éprend de Tithônos, l’éternelle vieillesse.) Prométhée est le mortel qui se distinguerait le plus ou qui ressemblerait le plus aux humains. En dérobant le feu, il a inventé la technique, qui supplée à nos déficiences. Par la technique, on pourrait rivaliser humainement avec les dieux. « Par la technique, [les humains] conquièrent le monde, construisent des villes, font de grandes guerres, traversent les mers. Mais ils restent coincés dans leurs corps, toujours le même, toujours faibles, voués à mourir, éphémères. » (L’ultime transgression du fantasme transhumaniste.) Une autre fonction des dieux sera donc de juger les mauvais comportements, tel Lycaon, que Zeus métamorphose en loup avant de faire disparaître les humains de la surface de la Terre par un déluge dont seuls Deucalion et Pyrrha réchapperont. La mythologie, essentiellement humaine, demeure leçon de vie bien qu’elle se soit historisée, que la poésie ne soit plus l’unique manière d’expliquer le monde depuis que la science s’est mise à en pénétrer les mystères. Les dieux pourtant ont fini par s’effacer derrière la nature (les éléments). Ils ne sont plus que le « divin », une force que les humains rêvent de maîtriser. Mais si Zeus a dompté les Titans et a échoué à policer les mortels, il n’est pas dit que Kronos ne puisse soudain se réveiller et libérer les forces titanesques de la nature des chaînes du Temps.

Jean-Pierre Ferrini