Dans "Une île, une forteresse", la romancière Hélène Gaudy[1] nous rend compte d’une investigation de plusieurs années ayant pour objet Terezín. Cette ville tchèque se rappelle d’abord à nous par son nom allemand, Theresienstadt, l’une des places fortes de la « solution finale ». On se souviendra aussi qu’elle fut le théâtre d’une sinistre fiction lorsque la propagande nazie s’efforça de la présenter comme un « ghetto modèle » pour masquer sa fonction réelle aux yeux du monde et auprès de la commission de la Croix-Rouge internationale qui s’y rendit en 1944. Le terrain d’étude n’est pas vierge, mais ce livre constitue une somme inédite en ce qu’il témoigne d’une expérience : entre la ville d’hier et celle d’aujourd’hui, entre les détours que Terezín appelle du côté de Drancy ou de Birkenau, Hélène Gaudy interroge tout autant son propre regard, ses lectures, les silences de ses interlocuteurs, les hors-champs des films qu’elle visionne que les informations documentées qu’elle nous livre.
L’île du mensonge
C’est d’abord sous le signe du leurre et de l’illusion qu’il convient d’appréhender cette cité située à quelques kilomètres de Prague et dont la vue aérienne rappelle cyniquement une étoile de David. Bâtie à la fin du XVIIIe siècle pour protéger l’Empire austro-hongrois d’une invasion prussienne qui n’eut jamais lieu, elle se trouva dotée d’une forteresse exemplaire, condamnée d’abord à languir comme celle du Désert des Tartares dans le roman de Buzzati. Mais cette garnison fantôme ouvrira autrement ses portes à l’histoire. T...
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