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Les faces terrifiées de la folie

L’historien Claude Quétel propose une iconographie riche et originale de la folie : des plans d’asiles et d’hôpitaux psychiatriques, des portraits peints et photographiés de malades mentaux, des lieux d’internement, des appareils de contention, des dortoirs inquiétants, des cachots, des salles d’hydrothérapie, des tentatives de l’antipsychiatrie, des soins différents. À la fin de l’ouvrage, rayonnent les dessins inventifs de créateurs enfermés dans les hôpitaux psychiatriques : évidemment Adolf Wölfli (1864-1930), Aloïse (1886-1964), d’autres.
Claude Quétel
Images de la folie
L’historien Claude Quétel propose une iconographie riche et originale de la folie : des plans d’asiles et d’hôpitaux psychiatriques, des portraits peints et photographiés de malades mentaux, des lieux d’internement, des appareils de contention, des dortoirs inquiétants, des cachots, des salles d’hydrothérapie, des tentatives de l’antipsychiatrie, des soins différents. À la fin de l’ouvrage, rayonnent les dessins inventifs de créateurs enfermés dans les hôpitaux psychiatriques : évidemment Adolf Wölfli (1864-1930), Aloïse (1886-1964), d’autres.

S’imposent les faces terrifiées de la folie, les visages égarés, perdus des malades mentaux, les yeux qui surveillent le portraitiste ou qui regardent l’horizon, les rides du front, la mélancolie, l’amertume ou le ricanement. Vers 1600, un anonyme dessine les « Insensés » des Petites-Maisons, peut-être lorsque le dauphin, futur Louis XIII (à 9 ans) voit les malades, le 15 avril 1610, un mois avant l’assassinat de Henri IV… Dans un essai sur la physiognomonie (1803), écrit par J. C. Lavater, cinq têtes de malades sont commentées… Vers 1825, à Charenton, Georges François Gabriel dessine « plus de 2 000 aliénés ». Sous chaque portrait, il note une légende laconique. Par exemple : « Maniaque, ayant mis le feu et voulu tuer sa mère » ; « Ecclésiastique mélancolique et furieux » ; « Militaire invalide, maniaque, idiot et dessinant sans cesse » ; « Furieux, il a voulu dévorer un chat vivant » ; « Idiot par suite de masturbation » ; Gabriel dessine le visage d’Eugène Hugo qui est interné à Charenton ; Gabriel note : « Hugo, frère du poète, idiot »… Dans des gravures (1838), Ambroise Tardieu observe les postures des malades, leurs gestes, les mains qui se rétractent… De 1821 à 1824, Géricault peint une dizaine de portraits tragiques : « le Monomane du commandement militaire », « la Monomane de l’envie, dite la Hyène de la Salpêtrière », « le Monomane du vol d’enfants » ou « la Monomane du jeu »… Vers 1979, Raymond Depardon réalise des reportages bouleversants des asiles italiens… Ou bien, en 1890, Vincent Van Gogh peint un malade dans l’asile de Saint-Rémy-de-Provence et il remarque : « les malades ne font absolument rien. On les laisse végéter dans le désœuvrement ».

À bien des époques, les « tours des fous », les cachots sont horribles. En 1818, Esquirol étudie des asiles de France : « J’ai vu les aliénés dans des réduits étroits, sales, infects, sans air, sans lumière, enchaînés dans des antres où l’on craindrait de renfermer des bêtes féroces. On met des colliers de fer, des ceintures de fer, des fers aux pieds et aux mains. »

Et Goya peint les hommes et les femmes dans la violence : Le Préau des fous à Saragosse (1794), La Maison des fous (v. 1812).

Au milieu du XIXe siècle, le bain froid, l’arrosage avec un jet violent seraient thérapeutiques ; ils seraient aussi des mesures disciplinaires… Au début du XIXe siècle, un aliéniste anglais proposait des fauteuils rotatoires. Selon lui, les « sensations pénibles et désagréables » du « pirouettement » guériraient les malades… Dès 1804, alors même que l’électricité est à peine née, une sorte d’électrochoc est expérimentée sur un mélancolique, par « l’action de la pile galvanique ».

Certains films sont terribles : La Fosse aux serpents (Litvak, 1948), Shock Corridor (Samuel Fuller, 1963), Vol au-dessus d’un nid de coucou (Milos Forman, 1975).

Dans les romans, dans les opéras, dans les tableaux, la folie règne. Eugène Delacroix peint Médée furieuse (1862) ; elle veut immoler ses enfants. L’opéra de Donizetti s’intitule Lucia di Lammermoor (1835) ; la fiancée est une meurtrière. Tu écoutes, dans Hamlet (1868) d’Ambroise Thomas, la chanson d’Ophélie…

Dans ce livre intéressant, l’historien Claude Quétel ne cesse de s’interroger sur la raison et la déraison, sur les hôpitaux, sur l’antipsychiatrie… Comment continuer à vivre dans le quotidien ? Selon Quétel, la maladie mentale serait toujours encombrante pour la société. La maladie gêne toujours. 

Gilbert Lascault

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