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Qu'est-ce qu'une blonde ?

Vers la fin de l’année, les « beaux livres » proposent, en 2010, les aventures des thèmes, des images, des allégories, des figures. Circulent dans l’imaginaire : les cheveux blonds et bruns des stars de l’écran ; les faces terrifiées de la folie ; les héroïnes et les tentatrices de la Bible ; la gloire et les orgies de la Grèce et de Rome ; les monstres qui grouillent.  Cet ouvrage riche et passionnant est publié à l’occasion de l’exposition « Brune/Blonde. Une exposition Arts et Cinéma », présentée à Paris (du 6 octobre 2010 au 16 janvier 2011), à la Cinémathèque française (musée du cinéma, 51 rue de Bercy, Paris 12e). Alain Bergala (assisté d’Anne Marquez) est le commissaire de l’exposition.
Brune/Blonde. La chevelure féminine dans l'art et le cinéma
Vers la fin de l’année, les « beaux livres » proposent, en 2010, les aventures des thèmes, des images, des allégories, des figures. Circulent dans l’imaginaire : les cheveux blonds et bruns des stars de l’écran ; les faces terrifiées de la folie ; les héroïnes et les tentatrices de la Bible ; la gloire et les orgies de la Grèce et de Rome ; les monstres qui grouillent.  Cet ouvrage riche et passionnant est publié à l’occasion de l’exposition « Brune/Blonde. Une exposition Arts et Cinéma », présentée à Paris (du 6 octobre 2010 au 16 janvier 2011), à la Cinémathèque française (musée du cinéma, 51 rue de Bercy, Paris 12e). Alain Bergala (assisté d’Anne Marquez) est le commissaire de l’exposition.

Le plus souvent, les chevelures blondes des femmes rayonnent : celle de Veronica Lake, de Marlène Dietrich, de Grace Kelly, de Carole Lombard (1933), de Leni Riefenstahl (1926), de Kim Novak, de Catherine Deneuve, de Marilyn Monroe et de bien d’autres stars.
En un texte judicieux d’Hélène Frappat, les blondes sont des énigmes, des êtres de mystère et d’envoûtement. Qu’est-ce qu’une blonde ? Est-ce une chose, un objet (sexuel), une poupée, une petite fille, une actrice, un fantasme, un vertige, une fée, un fantôme ? Si la blonde est un être humain, est-elle « la femme » ? Ou est-elle un animal, un astre, un ange, un « sur-homme », une créature venue d’ailleurs ? La blonde est-elle « vraie » ou « fausse », teintée, modifiée, factice, postiche ? Les blondes n’existent peut-être jamais.
Jadis, Marylin Monroe avait affirmé à l’écrivain Truman Capote : « Il n’existe pas de véritables blondes. Moi, je suis une vraie blonde, car je suis blonde de l’intérieur. » Et que veut dire Marilyn ?
Certains considèrent les blondes comme une espèce (menacée), comme une tribu (peut-être oubliée, ignorée) ou comme une race. À un moment redoutable du XXe siècle, la blondeur fut une « valeur nordique » qui déferla sur le monde. Dans Mein Kampf, Hitler aurait écrit que « ces parasites noirs [les Juifs] souillent nos blondes jeunes filles innocentes » ; et il y aurait eu des SS qui enlevaient, en Pologne, des enfants blonds aux yeux bleus. Parallèlement (et selon des idéologies opposées), en URSS, une norme différente de blondeur définirait les héros de la révolution communiste dans des affiches, dans des tableaux, dans des films de propagande.

À Hollywood, Blonde platine, film réalisé en 1931 par Frank Capra, avec Jean Harlou (« la première blonde »), s’imposerait sur le marché des fantasmes. Après la mort de Jean Harlou en 1937, à 26 ans, on aurait dit que « la blondeur tue ».

Au cinéma, les scénarios du désir de la chevelure féminine se multiplient, se déplacent. Tour à tour, les blondes sont des épouses fidèles, des séductrices, des femmes fatales, dangereuses…

Le désir des cinéastes regarde les gestes des femmes qui agitent et transforment leurs chevelures. Elles font et défont le chignon ; elles libèrent les cheveux sous la lumière des projecteurs ; elles balancent la chevelure au gré du corps sinueux. La chevelure des ravissantes se meut et nous émeut. Elle est aussi un emblème du cinéma, de l’art des images qui bougent.

Alfred Hitchcock apparaît, dans ce livre (et dans cette exposition de la Cinémathèque française), comme le plus grand cinéaste de la chevelure féminine de tous les temps. Le plus souvent, il préfère les blondes : Eva Marie Saint, Tippi Hedren et surtout Grace Kelly. Selon Alain Bergala, le « chignon hitchcockien » fascine le regard du spectateur. Le regard se perd sur cette coiffure apparemment sage, puis il se noie sans espoir dans une spirale en forme de maelström…

Dans les films, dans les tableaux, dans les textes, les chevelures se nouent et se dénouent. Elles révèlent un obscur objet du désir ; elles attirent ; elles trahissent. Elles évoquent parfois les vagues de la mer, le cours d’une rivière, les courbes d’un serpent, les flux et les reflux, les formes floues des nuages mouvants. Les chevelures des femmes se déplacent. Elles sont souples, fragiles, violentes. Elles sont des fétiches. Le spectateur (ou la spectatrice) d’un film perçoit, près de la chevelure, la nuque et les épaules nues de Rita Hayworth dans Gilda (1946) de King Vidor… Tu relis Pelléas et Mélisande (1892) de Maurice Maeterlinck. Pelléas est enivré par la longue chevelure de Mélisande : « Tes cheveux (dit Pelléas) descendent vers moi ! Je les tiens dans les mains, je les tiens dans la bouche, je les tiens dans les bras, je les mets autour de mon cou. Je n’ouvrirai plus les mains cette nuit… Tu entends mes baisers le long de tes cheveux ? »

Mais, dans les films, se trouvent aussi les brunes et les rousses… À la blondeur, les belles Italiennes, brunes, s’opposent ; Sophia Loren, Claudia Cardinale, Silvana Mangano surgissent et rayonnent. Ou bien, la dernière photographie du livre est le visage lumineux de Louise Brooks (1929) avec ses cheveux courts et bruns, sombres.

Ou encore, dans Mulholland drive (2001) de David Lynch, une blonde et une brune s’embrassent. Et, dans Duelle (1976) de Jacques Rivette, deux magiciennes s’affrontent, deux immortelles ; Leni la bonde et Viva la brune. L’une craint la nuit, l’autre la lumière.

Gilbert Lascault

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