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Les raffinements et l'élégance des guerriers

Le livre-catalogue de l’exposition actuelle du musée du quai Branly propose de nombreux textes précis de spécialistes. Ils commentent avec rigueur les armures complètes des samouraïs, leurs armes, les caparaçons des chevaux.

Armure du guerrier
Armures de samuraïs de la Collection Ann
et Gabriel Barbier-Mueller
Catalogue officiel de l’exposition du Musée
Éd. Musée du quai Branly/The Ann and Gabriel
Barbier-Mueller Museum (Dallas), 360 p., nb. ill. coul., 48 €

Le livre-catalogue de l’exposition actuelle du musée du quai Branly propose de nombreux textes précis de spécialistes. Ils commentent avec rigueur les armures complètes des samouraïs, leurs armes, les caparaçons des chevaux.

Du XIIe au XIXe siècle, au Japon, la Voie du Guerrier s’exprime : le Bushido. Dans l’imaginaire martial du Japon (et, maintenant, dans les films japonais), se tissent la violence et les raffinements des guerriers, leurs victoires et leurs défaites, leur apprentissage et, assez souvent, leur suicide. Comme une fleur de cerisier, fragiles et éphémères, certains samouraïs tombent au combat dans l’éclat de la jeunesse, ou bien ils se suicident par éviscération (le seppuku).

Au XVIIe siècle, sous la direction du shogun, le Japon devient plus calme. Les jeunes guerriers ont alors peu d’occasions de prouver leur bravoure. La classe des samouraïs doit s’adapter à la société urbaine. Les guerriers doivent se reconvertir en administrateurs. La pratique des arts martiaux et la réflexion de la stratégie sont essentielles au maintien de la discipline, du code des guerriers, de leur loyauté, en un environnement qui se modifie. Né dans le chaos, le code du guerrier permet aux samuraïs de gérer les territoires en paix et aussi de résister à l’influence des étrangers. Les samouraïs doivent cultiver à la fois l’étude des armes et celle des lettres. Au XVIIe siècle, des phrases sont adressées aux archers et aux cavaliers : « Le sabre est l’âme du guerrier. S’il oublie le sabre (ou le perd), on ne lui pardonnera pas… Lorsque l’ordre règne, nous ne pouvons pas oublier le désordre… Le rôle du samouraï est de servir son maître (s’il en a un), de renforcer sa fidélité envers les amis auxquels il s’associe… Entre la vie et la mort, tu choisis la mort ! Rassemble alors ton courage et agis ! » Dans un combat, le guerrier a lu, dans sa jeunesse, des poèmes ; ou bien il a joué de la flûte. Sur le champ de bataille, quand il meurt, il n’oublie pas la poésie, ni la courtoisie.

L’armure satinée et rayonnante d’un samouraï est un emblème de la Voie du GuerrierL’armure est aussi une machine perfectionnée et splendide. Elle protège et s’expose. Elle sauve et elle se montre dans la parade. Elle fascine dans l’admiration et dans l’effroi. Elle est une sculpture.

Telle armure comporte plus de deux mille petites plaques et rivets. Les lamelles sont reliées entre elles par des laçages colorés et par des cordons. Le fer, la laque, le cuir, les tissus (en particulier la soie), l’or, l’argent, des métaux semi-précieux, des alliages interviennent pour fabriquer les armures. Plusieurs artisans ont leur spécialités : les forgerons, les laqueurs, les maroquiniers, les tisserandiers, les dinandiers, les passementiers, les teinturiers… Pour personnaliser une armure, on lui ajoute des plumes, des cornes, une fourrure d’ours, des éléments de papier mâché, des structures peintes de bois, du crin de cheval.

Une armure se compose de huit éléments : le casque, le masque (qui protège le visage), la cuissarde, les protections d’épaules, les brassards, la jupe, la sous-jupe, les jambières. Sous le fer, une veste et un pantalon de soie se dissimulent, précieux, raffinés. Et, au-dessus de l’armure, un manteau (laine, soie, brocart), rouge ou jaune, l’enveloppe.

Ces armures japonaises sont plus légères que les cuissardes occidentales. Dans le combat, les chorégraphies de samuraïs se dessinent sur le terrain… Agiles, violents, rusés, implacables, les samouraïs luttent comme d’étranges crabes. Dans une légende du XIIIe siècle, les guerriers d’un clan sont vaincus et se noient, puis ils sont réincarnés en crabes.

Les casques et les masques des samouraïs sont variés. Par leurs carapaces, par leurs enveloppes insolites, les combattants se métamorphosent. Ils sont, en partie, transformés en des animaux de proie, en des végétaux, en des forces de la Nature, en des flammes, en des tourbillons, en des vagues… Les divers casques sont forgés en forme de coquillage, en forme de rhinocéros, en forme de faucon, en forme de bambou avec deux grandes feuilles, en forme de melon, en forme de tête humaine avec deux oreilles roses, en forme d’une lame de hache, en forme d’une griffe géante de dragon. Un masque ressemble au visage d’un vieillard du théâtre no. Un demi-masque comporte le très long nez des Occidentaux, avec une barbiche et une moustache (crin de cheval). Une mentonnière (protège le menton et les joues) évoque le museau du raton-laveur. Un autre demi-masque représente un tengu, un personnage (espiègle) du folklore japonais ; son nez est pointu et courbé comme le bec d’un oiseau. En hommage au bouddhisme, un casque représente le « joyaux enflammé » avec des petites flammes découpées en fer… Sous la lune vague, les samouraïs s’éloignent.

Gilbert Lascault

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