Le dernier roman de Marie NDiaye nous plonge au cœur du destin d’une cuisinière qui voua son existence entière à sa passion et à son travail. L’histoire nous parvient par la voix de celui qui fut son plus proche serviteur, son admirateur inconditionnel, et l’aima éperdument – d’un amour à sens unique. Voilà une trame qui aurait pu donner lieu à un récit des plus convenus. Le titre du livre semble d’ailleurs lui-même ouvrir des chemins moins amples et plus prévisibles que Trois femmes puissantes, par exemple. Mais ce serait compter sans la langue à la fois somptueuse et tranquillement vénéneuse de Marie NDiaye. Sans son goût du secret. Sans son art encore une fois avéré de transformer les situations non exceptionnelles, les villes les plus banales, les blessures psychologiques et les sentiments les plus humains, en une troublante et magnifique terre étrangère suspendue au-dessus du vide.
La Cheffe, roman d’une cuisinière
Il y a, de livre en livre, dans l’écriture de Marie NDiaye, quelque chose d’éminemment paradoxal et qui n’appartient qu’à elle. Quelque chose qui ne se donne pas immédiatement à voir et appelle un effort de la part du lecteur. Il faut accepter d’entrer dans un style âpre et soutenu, faussement classique, qui aime les séquences longues, les mots choisis, les phrases amples, enrobantes. D’aucuns, peut-être, pourraient parler d’un style retors : les phrases, qui aiment à se déployer sur parfois plus d’une page, donnent finalement la curieuse impression d’éloigner d’elles leur objet au ...
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