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Professeur d’histoire romaine à l’université de Pérouse, remarquable archéologue, Filippo Coarelli étudie, avec subtilité et précision, les fouilles (anciennes et récentes) des tombes, les plans des temples et des maisons privées, les ex-voto en terre cuite, les peintures, les statues en bronze, les miroirs, les pièces de monnaie, les céramiques (1).
Anthologie
L'art romain des origines au IIIe siècle av. J.-C.
Professeur d’histoire romaine à l’université de Pérouse, remarquable archéologue, Filippo Coarelli étudie, avec subtilité et précision, les fouilles (anciennes et récentes) des tombes, les plans des temples et des maisons privées, les ex-voto en terre cuite, les peintures, les statues en bronze, les miroirs, les pièces de monnaie, les céramiques (1).

Filippo Coarelli regarde de près les formes de l’art romain, les mythes, l’urbanisme, les changements politiques, les conflits des patriciens et des plébléiens, le rôle des fonctions, les luttes des cités.

Il n’y a pas si longtemps encore, la naissance de la culture artistique romaine commençait au début du ier siècle av. J.-C. Au XIXe siècle (et même parfois XXe siècle), certains voyaient l’art romain comme un prolongement affaibli de l’art grec. Et d’autres ont, à tort, opposé une soi-disant « structure profonde et autonome » de Rome et la vision grecque. Dès ses débuts, la formation de la culture romano-italique tient compte de la circulation des modèles helléniques.

Par ailleurs, la culture « romaine » se crée non seulement dans Rome, mais aussi dans le reste du Latium, en Étrurie, en Campanie, dans la Grande-Grèce. Selon Filippo Coarelli, une communauté culturelle assez homogène se répand dans toute l’Italie tyrrhénienne, puis près de la mer Tyrrhénienne.

Tu découvres une extraordinaire boîte, la célèbre « ciste Ficoroni », créée au IVe siècle av. J.-C., décou­­verte en 1738 dans la nécropole de Préneste d’où proviennent de nombreux objets (miroirs, strigiles, casques, d’autres cistes en bronze, des objets d’os sculpté).

Cette ciste était un récipient cylindrique en bronze, qui conservait des objets féminins, à la manière du « beauty-case » d’aujourd’hui. Par sa grande taille et par sa parfaite qualité, l’œuvre est exceptionnelle. En haut du couvercle, trois statuettes forment la poignée du couvercle ; la statuette centrale est Dionysos jeune ; ses bras reposent sur les épaules de deux satyres ithyphalliques. Sur la base des trois figures, on lit une inscription en latin : « NOVIOS PLAUTIOS MED ROMAI FEDID DINDIA MACOLNIA FILEAI DEDIT » (« Novius Plautius me fabriqua à Rome, Dindia m’offrit à sa fille Malconia »). Le commanditaire de grande famille s’adresse non pas à un atelier de Préneste, mais à un atelier romain qui choisit un style hellénisant. L’artiste Novius Plautius signe l’objet ; il est probablement un affranchi de la « gens Plautia ». L’œuvre est un don matrimonial.

Le couvercle circulaire de la ciste est orné d’un décor gravé. Dans le cercle central, deux griffons font face à deux lions. La bande tout autour représente une chasse aux cerfs et aux sangliers.

La scène la plus importante (qui est gravée sur le corps de la ciste) forme une frise continue. Elle illustre un mythe peu fréquent. C’est une halte des Argonautes. En Bithynie (Asie Mineure), un géant féroce défiait à la lutte tous les étrangers, puis tuait les perdants. À la fin du combat, Pollux (frère de Castor) est le vainqueur ; il lie le géant à un arbre ; une petite Victoire vole vers Pollux pour le couronner. Dans la frise, se trouvent des jeunes hommes sur le navire Argos, Athéna, un silène ricanant…

À partir du IVe siècle, des artisans habiles produisent des vases, des brocs, des plats, des coupes. Se représentent des Éros qui portent des masques, des scènes dionysiaques, des Néréides, des centaures, des griffons, les aventures d’Ulysse, des plantes et des animaux aquatiques (de type égyptien), une éléphante et son éléphanteau, Héraclès, Apollon, Aphrodite. Les ateliers de Rome et de ses colonies fabriquent les céramiques. 

Dans un chapitre du livre de Filippo Coarelli, Pline l’Ancien (Histoire naturelle, XXXV, 19) évoque un peintre qui se nommait Fabius Pictor (d’une très illustre maison). En 304-303 av. J.-C., il peignait les parois du Temple du Salut ; puis (sous le règne de l’empereur Claude, au Ier siècle apr. J.-C.), le temple brûla et la peinture disparut.

La tradition à laquelle appartient Fabius Pictor serait une peinture romaine « célébrative » qu’on appelait une « peinture triomphale ». Ces tableaux (tabulae triumphales) accompagnaient, au cours du triomphe du général victorieux, le cortège de l’armée. Ces tableaux montrent les combats, le siège des villes, la défaite, les captifs, le butin. Peints sur panneaux ou sur toiles, ces tableaux ont, évidemment, tous disparu. Mais des « répliques » sont des fresques sur les parois des temples votifs, consacrés à la suite des victoires. Certaines réalisations (à l’époque impériale) nous sont parvenues… Au IVe siècle av. J.-C., un tombeau des Cornelii a été découvert en 1956. Des terres cuites représentent des chevaux conduits par une Victoire ailée. Ce serait une allusion au voyage du défunt, un voyage « triomphal » vers les îles des Bienheureux. Selon Filippo Coarelli, il y aurait, à cette époque, une « théologie de la victoire ».

  1. Filippo Coarelli a participé à de nombreuses fouilles en Italie et en Afghanistan. Il est actuellement coordinateur national d’une recherche sur les premiers siècles de Pompéi. Il est aussi directeur scientifique des fouilles archéologiques à Nemi et au Forum Novum en Sabine.
Gilbert Lascault

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