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Rodin au présent

Il y a vingt ans les éditions Macula publiaient en français Le Retour de Rodin de Leo Steinberg. Le célèbre historien américain de l’art nous invitait à un regard neuf sur un artiste qui avait passé pour le plus grand sculpteur depuis Michel-Ange. Ce qui « semblait ne plus avoir de pertinence au moment où l’art moderne s’élaborait ». Alors qu’au contraire « à présent, 45 ans après sa mort, c’est cette pertinence même qui nous stupéfie lorsque nous réexaminons son œuvre ». Ce qui est montré par une exposition au musée Rodin et le catalogue qui l’accompagne, L’Invention de l’œuvre, Rodin et les ambassadeurs. Dominique Viéville fait l’histoire de la redécouverte de Rodin : au Louvre en 1962, des expositions aux États-Unis, l’une à Francfort en 2005 confrontant Rodin et Beuys.
Collectif
L'Invention de l'œuvre, Rodin et les ambassadeurs
Il y a vingt ans les éditions Macula publiaient en français Le Retour de Rodin de Leo Steinberg. Le célèbre historien américain de l’art nous invitait à un regard neuf sur un artiste qui avait passé pour le plus grand sculpteur depuis Michel-Ange. Ce qui « semblait ne plus avoir de pertinence au moment où l’art moderne s’élaborait ». Alors qu’au contraire « à présent, 45 ans après sa mort, c’est cette pertinence même qui nous stupéfie lorsque nous réexaminons son œuvre ». Ce qui est montré par une exposition au musée Rodin et le catalogue qui l’accompagne, L’Invention de l’œuvre, Rodin et les ambassadeurs. Dominique Viéville fait l’histoire de la redécouverte de Rodin : au Louvre en 1962, des expositions aux États-Unis, l’une à Francfort en 2005 confrontant Rodin et Beuys.

Rodin et les Ambassadeurs, ce titre est énigmatique. Comme le crâne anamorphosé qui étend son oblique aux pieds des Ambassadeurs de Holbein. Tableau voulu énigmatique ?

Sur la couverture de l’ouvrage, six lignes de noms d’artistes fameux. Ambassadeurs, Picasso, Arp, Duchamp, Miró, Fautrier (pour la première ligne), Ugo Rondinone, Douglas Gordon, Urs Fischer (pour la dernière) ? Entre ces deux lignes extrêmes, Dubuffet, Fontana, Giacometti, De Kooning, Beuys, Cy Twombly…

En quoi consiste la fonction d’ambassadeur de ces artistes de renom ? Nous sommes conduits à la déduire d’un titre, l’invention de l’œuvre, qui conduit lui-même à ce nom imprimé en épaisses majuscules RODIN.

Cependant il faut attendre le dernier chapitre pour que des « Ambassadeurs » soit dévoilée l’activité, leur part dans « l’œuvre au présent ». Avec l’identité des ambassadeurs est révélé le sens de ce livre, précieux à plus d’un titre. Par les contributions des auteurs Roland Recht, l’historien, Pierre Buraglio, le peintre, Dominique Viéville, directeur du musée, Noëlle Chabert, qui est responsable des liens avec la création contemporaine.

Aux premières lignes de l’article qu’elle a rédigé avec Amélie Lavain la question est posée : « Qu’entend-on par la notion d’invention de l’œuvre et que recouvre ce beau terme d’ambassadeur, retenu en dépit de son caractère un peu énigmatique ? »

À une exposition du musée Rodin, en 2009, orientée par la vision de Rodin qu’avaient ses contemporains, celle-ci s’oppose. C’est Rodin à partir de l’art d’aujourd’hui : « dépassant la question de l’historicité des œuvres et de leur réception, il s’agit d’admettre que nous regardons toujours le passé depuis le présent ».

Rodin, aujourd’hui, a changé. Notre regard a changé et l’a fait changer. Dans ce livre – une parfaite réussite – sont énumérées, analysées et illustrées en onze sections les formes de notre regard sur Rodin telles qu’on peut les repérer dans cette œuvre dont on fait à nouveau le tour. Regardée pour elle-même ou pour la prise nouvelle à laquelle elle a donné lieu de la sculpture contemporaine. Relevons ces ouvertures à neuf : matières et matériaux, assembler, combiner, figures partielles, la peau, séries et variations, fragments.

Les ambassadeurs en sont les porteurs. D’eux sont retenues et reproduites une œuvre et une page de commentaire. Ils présentent, dirait-on, leurs lettres de créance à Rodin, revivifié par leur présence et leur regard. Mais qui ne fait pas acception dans leur œuvre, comme dans toute œuvre d’art, de la présence de la mort, de l’anamorphose énigmatique d’un crâne.

Georges Raillard

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